Des chiffres inquiétants pour Obama

Le président des États-Unis, Barack Obama, a visité hier une usine de briques dans le Maryland. Mais les chiffres sur l’emploi publiés ce même jour étaient plutôt inquiétants pour lui à l’approche des élections de mi-mandat.
Photo: Agence Reuters Jim Young Le président des États-Unis, Barack Obama, a visité hier une usine de briques dans le Maryland. Mais les chiffres sur l’emploi publiés ce même jour étaient plutôt inquiétants pour lui à l’approche des élections de mi-mandat.

Le géant américain peine toujours à relever la tête. Alors que la récession s'est officiellement terminée il y a déjà 15 mois aux États-Unis, l'économie a détruit en septembre 95 000 emplois de plus qu'elle en créait. Le pays a ainsi perdu des emplois pour un quatrième mois d'affilée, et à un rythme bien plus rapide qu'en août. Des résultats qui n'augurent rien de bon pour les démocrates, à un mois des élections de mi-mandat.

Les pertes à l'échelle du pays ont résulté avant tout du secteur public, qui a supprimé 159 000 emplois. Comme les mois précédents, l'État a mis fin aux contrats d'un grand nombre de personnes embauchées temporairement pour le recensement décennal. Cela a touché encore 77 000 personnes en septembre, et ne pourra plus concerner au maximum que 6000 Américains dans les mois à venir. Les 76 000 suppressions nettes de postes apparues dans les administrations des États fédérés et dans les collectivités locales sont plus inquiétantes pour la suite: devant des contraintes budgétaires considérables, celles-ci licencient désormais à tour de bras.

Le secteur privé, vers lequel se portent tous les espoirs, a quant à lui continué d'embaucher, mais moins rapidement que les mois précédents. Le solde net des créations d'emplois n'y a été que de 64 000, soit moins que les 74 000 attendus par les analystes et 31 % de moins qu'en août, qui avait déjà marqué une baisse par rapport à juillet.

Dans le détail, il apparaît que l'emploi privé a été soutenu par le secteur des services, dont le nombre de créations de postes s'est élevé à 86 000 le mois dernier, après les 83 000 emplois créés en août. En revanche, le secteur industriel a détruit 22 000 postes, dont 6000 dans le seul secteur manufacturier, pendant que 21 000 emplois ont été supprimés dans la construction, illustrant ainsi la persistance des difficultés du marché de l'immobilier.

Ces mauvaises nouvelles sont d'autant plus malvenues que les analystes estimaient au contraire que le pays était revenu en septembre à l'équilibre avec un solde nul de créations ou de destructions d'emplois. Au final, malgré les destructions de postes, le taux de chômage est cependant resté stable à 9,6 %, indique le ministère, alors que les analystes prévoyaient qu'il remonterait à 9,7 %. Reste qu'avec septembre, le chômage officiel a été supérieur ou égal à 9,4 % pendant 17 mois consécutifs, ce qui ne s'est jamais vu depuis 1948 au moins. Le pays compte près de 15 millions de chômeurs.

Sur la bonne voie, mais...

Cette statistique de l'emploi est la dernière concernant l'emploi mensuel publiée avant les élections de mi-mandat au Congrès, élections qui pourraient bien être défavorables aux démocrates compte tenu de la mollesse de la reprise économique. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que le président Barack Obama ait choisi hier d'insister sur le fait que l'économie avait enregistré «neuf mois consécutifs de croissance des emplois dans le secteur privé». Il a toutefois reconnu que cette bonne nouvelle était «tempérée par une perte nette d'emplois en septembre».

Il a également souligné serait pire sans sa politique économique. «La position républicaine n'a guère de sens, en particulier parce que la faiblesse du secteur public pèse aussi sur le secteur privé», a-t-il affirmé. L'économiste nobélisé Paul Krugman a même réitéré son plaidoyer pour une intervention plus musclée de l'État dans la relance, une option que le camp républicain rejette avec obstination depuis des mois.

Rien de réjouissant

Économiste principal au Mouvement Desjardins, Francis Généreux a souligné hier que, même si elle demeure «positive», la progression de l'emploi au sein du secteur privé n'a rien de très réjouissant. «Même sans facteurs extraordinaires, comme les aléas du secteur automobile au cours des mois précédents, le nombre d'embauches continue de ralentir. Cette fois, c'est l'ensemble du secteur des biens et notamment l'emploi chez les entrepreneurs spécialisés en construction non résidentielle qui connaissent des difficultés», a-t-il expliqué.

«L'emploi continue de décevoir aux États-Unis. Même le secteur privé embauche peu alors que la récession s'est officiellement terminée il y a 15 mois. La faiblesse des embauches et la faiblesse de la croissance des salaires sont des arguments pour que la Réserve fédérale se décide à aller de l'avant avec une nouvelle phase de politique monétaire expansionniste. Il reste à savoir quelle forme celle-ci prendra.»

Dans le sillage des commentaires de certains dirigeants de la Réserve fédérale américaine, dont son président Ben Bernanke, les analystes estiment en effet qu'il est désormais pratiquement certain que la Fed lancera un deuxième programme de rachats d'actifs. «Sa taille dépendra de l'interprétation des chiffres [de l'emploi]. La plupart [des analystes] anticipent un chiffre de 500 milliards de dollars pour ce programme et je ne crois pas qu'il sera très différent de cela», a souligné Mark McCormick, spécialiste des devises chez Brown Brothers Harriman, en entrevue à Reuters.

La plupart des investisseurs anticipent ce nouvel assouplissement quantitatif pour le mois de novembre. James Bullard, président de la Fed de St. Louis, a toutefois laissé entendre que la Réserve fédérale pourrait reporter à décembre sa décision de prendre de nouvelles mesures de soutien à l'économie.

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Avec l'Agence France-Presse et Reuters

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