Médicaments génériques - Jean Coutu croit pouvoir tirer son épingle du jeu

Longueuil — Le Groupe Jean Coutu croit pouvoir profiter de la baisse des prix des médicaments génériques récemment annoncée par le gouvernement.
Le 25 juin, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a déclaré que le Québec allait emboîter le pas à l’Ontario et faire passer le prix des génériques de 54 à 25 % de celui des médicaments d’origine équivalents. Le gouvernement compte ainsi économiser 164 millions par année.Les pharmacies subiront les contrecoups de la réforme puisqu’elles reçoivent des ristournes de la part des fabricants de génériques. Jean Coutu estime que les pharmacies indépendantes, qui ont les reins moins solides, pourraient être plus vulnérables et éventuellement grossir ses rangs.
«Cela pourrait créer plus d’occasions d’acquisitions d’indépendants à l’avenir», a souligné le vice-président aux finances du détaillant, André Belzile, en conférence de presse à l’issue de l’assemblée annuelle des actionnaires, tenue hier à Longueuil.
Entre-temps, Jean Coutu a bon espoir de soutirer une aide financière de la part de Québec pour compenser la baisse des prix. Les fabricants de génériques se sont indignés de la réforme et ont menacé de réduire leurs investissements et leur main-d’œuvre dans la province. Dans l’espoir d’avoir une réponse favorable du gouvernement, Jean Coutu adopte un ton un peu plus conciliant.
«On sait qu’il y a des sous pour le gouvernement à aller chercher», a reconnu le président-fondateur de l’entreprise, Jean Coutu.
«Par contre, on rend des services dans nos pharmacies, a-t-il ajouté. [...] Si on impose drastiquement des mesures difficiles, qui va perdre le plus dans le fond? C’est le pharmacien détaillant. [...] Avec ça, est-ce qu’il va être capable de continuer à donner des salaires raisonnables sans diminuer les heures d’ouverture, sans faire des mises à pied? Ce sont des choses comme ça qu’on se doit de discuter avec le gouvernement.»
En Ontario, le gouvernement a finalement consenti une augmentation des frais d’exécution des ordonnances pour compenser la baisse des prix.
«Le même genre de mesures devrait être implanté au Québec», a soutenu M. Belzile.
Karine Rivard, porte-parole du ministre de la Santé, Yves Bolduc, n’a pas voulu préciser hier si le gouvernement envisageait de hausser les honoraires des pharmaciens.
«Le ministre a dit qu’il était ouvert à rencontrer les représentants de l’industrie pour discuter de l’application des modalités de la baisse de prix», s’est-elle limitée à affirmer au cours d’un entretien téléphonique.
Si aucune mesure d’atténuation n’était mise en place, l’analyste Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux, calcule que la baisse des prix des génériques ferait un trou de 30 à 35 millions dans le bénéfice d’exploitation de Jean Coutu, qui s’est élevé à 243 millions l’an dernier. Après impôts, cela représenterait environ 10 cents par action.
La réforme réduira les revenus des pharmacies Jean Coutu, mais également le chiffre d’affaires de la filiale de fabrication de génériques du groupe, Pro Doc.
Les génériques représentent moins de 20 % des revenus pharmaceutiques de Jean Coutu, mais plus de 40 % des prescriptions. Avec l’expiration de plusieurs brevets, cette proportion est appelée à poursuivre sa croissance.
Résultats
À son premier trimestre, qui a pris fin le 29 mai, Jean Coutu a plus que quadruplé son bénéfice net, qui a atteint 43,2 millions (18 cents par action), comparativement aux 10,3 millions (4 cents par action) dégagés pendant la même période de l’an dernier.
Les résultats de l’exercice précédent avaient été plombés par la quote-part de Jean Coutu dans les pertes de Rite Aid, une chaîne américaine de pharmacies dont l’entreprise québécoise détient près de 30 % des actions. Rite Aid continue d’essuyer des pertes, mais Jean Coutu n’a plus à les comptabiliser puisqu’il a radié la valeur totale de son investissement dans l’entreprise.
Les revenus de Jean Coutu ont totalisé 642,9 millions au premier trimestre, en hausse de 3,8 %.
Le bénéfice par action correspond aux attentes des analystes interrogés par la firme Thomson Reuters, mais les revenus sont inférieurs aux 667,9 millions attendus.
Au cours de l’assemblée annuelle, Jean Coutu s’est une fois de plus dit «déçu» du cours de l’action de l’entreprise.
«On fait tout ce qui est nécessaire pour redonner de la valeur à notre compagnie, a-t-il dit. Maintenant, qu’est-ce que vous voulez, on dirait que la Bourse ne comprend pas qu’on est une entité qui est agressive, qui a toujours fait des profits, qui donne des dividendes aux actionnaires. Mais [...] ça reste sta-gnant [...] et s’il y a quelqu’un qui le sait comme actionnaire, c’est bien nous [la famille Coutu]. On s’est fait un peu massacrer depuis deux ou trois ans.»
L’action de Jean Coutu a clôturé mardi à 8,39 $, en hausse de 2,6 %, à la Bourse de Toronto. Elle valait plus de 16 $ en juillet 2007.