Le Groupe Jean Coutu reconnaît son échec américain

Longueuil — Du bout des lèvres, Jean Coutu a admis hier que l'aventure américaine de l'entreprise qui porte son nom avait été un échec, mais il a refusé d'en porter la pleine responsabilité.
«Oui, c'est un fait», a-t-il convenu lors de la conférence de presse qui a suivi l'assemblée annuelle du Groupe Jean Coutu. «Mais si ça avait été un grand succès, vous auriez peut-être été le premier à dire que ce n'était pas nous autres qui l'avions fait. Si ce n'est pas nous qui aurions pu en faire un succès, je pense bien que ce n'est pas nous qui avons fait ce qui est arrivé.» Quelques minutes plus tôt, l'homme de 82 ans avait fait une mise en garde: «je hais donner des excuses, mais j'aime donner des explications».
Quant aux nombreuses difficultés qui ont découlé de la transaction avec Rite Aid, par laquelle Jean Coutu a vendu la totalité de ses activités américaines en contrepartie de 1,45 milliard $US comptant et de 250 millions d'actions du groupe américain (30 % du total), l'homme d'affaires les rejette sur la direction de l'entreprise de Pennsylvanie. «Ils ont été lents à comprendre» les changements qu'il fallait apporter à Rite Aid, a estimé François Jean Coutu, président et chef de la direction de l'entreprise québécoise. Mais après maintes pressions, les quatre membres qui représentent Jean Coutu au conseil d'administration de Rite Aid ont fini par obtenir ce qu'ils voulaient: une nouvelle direction.
Le Groupe Jean Coutu a également formulé des conseils sur le refinancement de la dette de Rite Aid et sur le marketing. Après tout, les pharmacies Jean Coutu sont les plus rentables au pied carré en Amérique du Nord.
Jamais l'entreprise québécoise n'a songé sérieusement à vendre ses actions de Rite Aid, puisqu'un tel geste venant du principal actionnaire aurait probablement porté «un knock out» au groupe américain, a fait remarquer Jean Coutu, se félicitant de son «courage».
Le célèbre pharmacien tire tout de même une dure leçon de son expérience américaine. «L'inexistence d'un système de santé [public] aux États-Unis ne permet pas aux pharmacies de pouvoir prospérer avec la même ampleur que les pharmacies du Canada».
Michel Coutu, responsable de Rite Aid, a par ailleurs convenu que le redressement de la chaîne américaine prendrait «un peu plus de temps que les gens auraient aimé que ça prenne» à cause de la profonde récession qui frappe les États-Unis.
Bénéfice de 10,3 millions
À son premier trimestre, terminé le 30 mai, le Groupe Jean Coutu a dégagé un bénéfice net de 10,3 millions, comparativement à la perte nette de 20,2 millions inscrite pendant la même période de l'an dernier. En excluant la quote-part de Jean Coutu dans la perte trimestrielle de Rite Aid, le bénéfice se serait élevé à 38,5 millions, en hausse de 16 % par rapport aux 33,2 millions enregistrés il y a un an.
Les revenus du trimestre ont augmenté de 7,8 % pour atteindre 619,3 millions. La croissance des ventes des magasins comparables a toutefois ralenti, passant de 4,2 % l'an dernier à 3,9 % cette année. Le recul est attribuable à la section pharmaceutique.
Jean Coutu, qui compte actuellement 300 pharmacies au Québec, prévoit en ouvrir ou en acquérir 14 de plus d'ici la fin de son exercice financier. D'ici cinq à sept ans, on vise 400 magasins au Québec. La direction soutient que la forte croissance de Pharmaprix au cours des dernières années a affecté davantage les indépendants que Jean Coutu.
Une fois de plus, l'entreprise a déprécié la valeur comptable de son investissement dans Rite Aid, qui s'établit désormais à 22,6 millions, contre 58,3 millions au 28 février et plus de 1,5 milliard $US lors de la clôture de la transaction de vente, en 2007.
Tout indique que le Groupe Jean Coutu aura ramené à zéro la valeur de Rite Aid à la fin du trimestre en cours, de sorte qu'il pourra cesser d'inscrire à ses livres sa quote-part des pertes de la chaîne américaine, qui ne devrait pas retrouver la rentabilité avant 2010.