Assemblée générale d'In Vivo - Les sciences de la vie perdent du terrain
L'âge d'or de l'industrie des grandes sociétés pharmaceutiques au Canada et dans la région montréalaise est terminé. Le secteur des sciences de la vie et des technologies de la santé connaît de grandes difficultés. «Si nous ne faisons rien pour prévenir la tempête qui se prépare, cela peut signifier la fin de ce secteur de haut savoir au Québec et au Canada, un domaine vital pour notre développement économique», affirme Paul Lévesque, président du conseil d'In Vivo, la grappe qui réunit près de 600 organisations, dont plus de 150 centres de recherche, 80 filiales d'entreprises de classe mondiale et 41 000 personnes qui oeuvrent dans ces secteurs d'activités dans la seule région du Grand Montréal.
M. Lévesque, qui est par ailleurs président de Pfizer Canada, a profité de l'assemblée générale annuelle des membres de cette grappe industrielle pour étaler des statistiques qui appuient largement son pronostic. Le capital de risque a connu une chute de 70 % en un an, passant de 219 millions en 2007 à 69,9 millions en 2008. La part québécoise de capital de risque dans ce créneau est passée de 40,4 % en 2006 à 19,5 % en 2008, alors qu'en Ontario, pendant la même période, elle augmentait de 12,4 % à 20 %. Néanmoins, dans un contexte mondial, c'est tout le Canada qui régresse. Il se situe maintenant au 13e rang parmi les 17 plus grandes économies mondiales dans le domaine de l'innovation. Il perd du terrain depuis les années 1980. «Le Canada est de moins en moins innovant à une époque où cela est absolument crucial pour se tailler une place sur l'échiquier mondial», note M. Lévesque.Cette perception a été entièrement confirmée par André Marcheterre, qui a travaillé pour Merck Frosst pendant près de 30 ans, dont 10 ans en tant que président de la filiale canadienne. Retraité depuis 2006, il est membre du conseil d'administration de Génome Canada et a participé à un important comité du Conseil canadien des académies, qui s'est penché sur l'innovation et la productivité dans tous les secteurs d'activités, y compris celui des sciences de la vie.
Hier, il a fait part de ses observations et opinions, présentées comme un diagnostic. Selon lui, le secteur des sciences de la vie a reçu beaucoup d'attention depuis les années 1980 sur les plans de la réglementation, de la législation et des appuis financiers. Depuis cinq ans, 6 milliards par année ont été investis en recherche dans le créneau de la santé. A-t-on fait des découvertes? Le réseau des universités est productif. Entre 1998 et 2003, 2 % des produits approuvés par la FDA étaient canadiens, ce qui est bon. Le Canada est parmi les 10 plus gros pays en recherche.
Toutefois, les résultats économiques ne suivent pas. La part du PIB provenant de ce secteur est demeurée à 0,5 % depuis 1987. On ne parvient pas à exploiter localement les bénéfices des découvertes. Les travaux et consultations du comité canadien dont il a fait partie ont amené M. Marcheterre à ramener le débat à cinq sujets précis. D'abord la recherche: «J'ai été estomaqué d'apprendre que 80 % des chercheurs ne font pas breveter leurs découvertes. En plus, les agences de financement se basent sur les publications de ces scientifiques, lesquelles deviennent accessibles à tout le monde sur la planète.» M. Marcheterre constate ensuite que l'allocation de l'argent n'incite pas à concentrer les efforts sur les éléments de force des recherches et de leur potentiel commercial.
En matière de commercialisation, il n'y a pas ici comme aux États-Unis de riches entrepreneurs qui se font anges et mentors. Il se dit très surpris de constater qu'il existe des bureaux de transfert de technologie dans chaque université et qu'on n'a pas encore réussi à unifier tout cela.
En matière de capital de risque, le rapport qui était de 1 pour 25 entre le Canada et les États-Unis est peut-être maintenant à 1 pour 50. M. Marcheterre rappelle qu'il y a eu beaucoup de financement dans les années 1990 et qu'il y a eu des lacunes importantes, tant dans la gestion des fonds que dans les sociétés qui recevaient cet argent, et cela à cause d'un manque d'expertise. «Ce fut une expérience amère», dit-il. Les relations entre les petites sociétés de biotechnologies et les grandes sociétés pharmaceutiques n'ont pas été faciles.
M. Marcheterre dit voir maintenant la situation dans son ensemble et non plus «avec des lunettes de grande entreprise», et se permet d'ajouter que les différents acteurs portent «des lunettes de biotech, des lunettes d'université», etc. Il faudrait en arriver à une seule vision et cesser de tout attendre des gouvernements. Le secteur privé doit compter sur lui-même pour relever le défi de l'innovation. À son avis, avec un budget de 800 000 $, In Vivo n'ira nulle part. Il lui faudrait un budget de 5 à 10 millions.
Génome Canada n'a pas eu un sou du gouvernement fédéral cette année. Les sciences de la vie continueront-elles de recevoir 6 milliards si la rentabilité n'est pas au rendez-vous? «Il y a une évolution à faire et le milieu doit prendre le leadership», conclut le conférencier.