Après un passage chez Google, le confessionnal public

Des employés au travail dans les bureaux de Google à San Francisco. Des commentaires d’ex-employés de l’entreprise, parfois très critiques, ont été publiés récemment sur Internet.
Photo: Agence Reuters Des employés au travail dans les bureaux de Google à San Francisco. Des commentaires d’ex-employés de l’entreprise, parfois très critiques, ont été publiés récemment sur Internet.

«Je n'aurais jamais dû prendre cet emploi», nous annonce d'abord «Stephen», un ex-employé de Google. «J'ai été déçu tout le long, et puis oui, comme vous, le regret que j'éprouvais influait sur ma performance. [...] Aussi, si Larry Page [le cofondateur] repasse encore sur les curriculum vitae, les actionnaires devraient se révolter. C'est un gaspillage de temps scandaleux pour quelqu'un aussi haut dans la hiérarchie, et le fait que ce soit "excentrique" n'excuse rien.»

À l'été 2008, lorsque les ressources humaines de Google ont mis sur pied un forum de discussion privé sur Internet pour demander aux ex-employés d'énumérer les raisons pour lesquelles ils avaient démissionné, l'entreprise aurait dû se douter que les commentaires sortiraient un jour de la bulle pour émerger dans la sphère publique.

Le très influent blogue TechCrunch a publié ce week-end une série de courriels où la culture interne de Google, ce géant mystérieux à la fois glorifié et détesté, est mise à rude épreuve. Le résultat est un mélange d'amertume et de désillusion, mais aussi d'intense satisfaction et de louanges. «Nous avons reçu ce qui semble être d'authentiques commentaires à ce forum de discussion, signés par d'anciens employés de Google», a écrit le cofondateur de TechCrunch, Michael Arrington, qui a mis la main sur plusieurs nouvelles exclusives au fil des ans, dont l'achat de YouTube par Google. Il ne précise pas comment l'enveloppe brune, pour ainsi dire, lui est parvenue.

Longtemps, la couverture du phénomène Google a été surtout positive. Aveuglée par une cote boursière qui a explosé dès la première minute où Google s'est négociée sur le Nasdaq, en 2004, la presse financière s'en est longtemps tenue à la croissance des revenus et des profits, au parcours de ses fondateurs et à la domination que Google exerce sur ses plus proches concurrents dans le monde des moteurs de recherche.

Pépins du quotidien

Mais outre la qualité de son service de traiteur, les activités ludiques que l'on permet aux employés et l'ambiance décontractée, il y aurait aussi, s'il faut en croire les commentaires publiés, une microgestion parfois insoutenable, des salaires peu attrayants et un processus d'embauche particulièrement brutal.

«De toutes les compagnies pour lesquelles j'ai travaillé, Google est celle qui a mis le plus de temps pour aller au bout du processus d'embauche, soit cinq mois entre la réception de mon curriculum vitae et la date de début», a écrit «Ted». Il n'a pas été le seul à déplorer cette lenteur, à laquelle se greffent, selon eux, des entrevues plutôt coriaces. «Les vieux croyaient que les entrevues devaient être difficiles, et que "difficiles" voulait dire des questions quiz ou des énigmes, ce qui n'était pas pertinent pour le travail qu'on allait effectuer», a écrit «Greg».

Le concert n'est pas seulement critique. De nombreux auteurs sont très heureux de leur expérience chez Google. «Pam» est «surprise du niveau de négativisme» qu'elle a lu sur le forum. «Je voulais partager mon expérience, très différente.» Certes, Google n'est pas parfaite, dit-elle. «Sa direction n'est pas parfaite et ses ressources humaines non plus, mais ils font les choses mieux et de manière plus chaleureuse que la grande majorité des entreprises.»

Au sujet des repas gratuits, toutefois Greg ajoute qu'il y avait des attentes: «Si vous restiez à souper, vous étiez mieux d'avoir du travail à faire en soirée. Il était mal vu de partir immédiatement après avoir mangé. Je pense que beaucoup de gens passaient du temps juste avant ou après souper sans être très productifs, ce qui est bien pour les gens dans la vingtaine, mais je compatis avec ceux qui avaient des familles et qui ne cadraient pas vraiment.»

Compressions

Ironiquement, TechCrunch a reçu ces commentaires privés au moment où la compagnie ressent les effets de la crise et tente de réduire ses effectifs.

La semaine dernière, Google a annoncé qu'elle allait licencier environ 100 recruteurs, fermer certains bureaux et cesser le développement de services et logiciels considérés redondants ou peu intéressants. Par exemple, la compagnie va cesser de s'occuper de Google Video, devenu superflu depuis l'acquisition de YouTube pour 1,65 milliard en novembre 2006.

Les revenus de Google pour l'année 2008 ne sont pas encore connus. Mais pour les neuf premiers mois de l'exercice, le chiffre d'affaires a atteint 16 milliards, autant que pour toute l'année 2007, et les profits ont culminé à 3,8 milliards. Son modèle d'affaires repose sur un réseau d'affichage publicitaire et sur des programmes de mots-clés commandités.

Mais Google a la réputation d'être un terreau fertile pour les ingénieurs informatiques qui ont du chien et de l'imagination à revendre. «Ce qui était bizarre, c'est qu'avant Google, j'avais tout plein d'idées grandioses que je voulais développer», a écrit Laurent. «Et quand vous entrez, 18 000 autres personnes ont les mêmes idées.»

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