Le Royaume-Uni est menacé par l'effondrement de l'immobilier commercial

Ces dernières années, les prix de l’immobilier résidentiel ont augmenté beaucoup plus rapidement que ceux de l’immobilier commercial. Avec le ralentissement économique, les banques sont de plus en plus réticentes à financer de nouvelles constr
Photo: Agence Reuters Ces dernières années, les prix de l’immobilier résidentiel ont augmenté beaucoup plus rapidement que ceux de l’immobilier commercial. Avec le ralentissement économique, les banques sont de plus en plus réticentes à financer de nouvelles constr

Londres — Alors que la récession guette l'économie britannique, les banques sont assises sur un baril de poudre: la menace d'écroulement de l'immobilier commercial sur fond de crise du crédit. La publication, mardi 8 juillet, d'une étude de l'université De Monfort sur les difficultés de promoteurs et d'investisseurs à assurer le service de leur dette fait trembler la City.

À lire ce rapport, la dette totale qui doit être payée d'ici à la fin de l'année par les propriétaires de bureaux, locaux industriels et magasins s'élève à un chiffre record de 34 milliards de livres (68 milliards $CAN). La baisse de la valeur des biens (-20 % en un an) réduit le rendement attendu des 83 milliards de livres de dettes contractées en 2007. Les prêts bancaires à l'immobilier commercial britannique, qui totalisent 250 milliards de livres, constituent désormais 38 % des prêts consentis aux institutions non financières, contre 19 % en 1998. «Il suffit d'une poignée d'investisseurs en faillite et tout le château de cartes s'effondrera en raison du laxisme des prêteurs lors du boom de ces dernières années», s'inquiète un expert. Les banques les plus touchées seraient HBOS et Barclays, très actives dans ce créneau.

Ces dernières années, les prix de l'immobilier résidentiel ont augmenté beaucoup plus rapidement que ceux de l'immobilier commercial. Avec le ralentissement économique, les banques sont de plus en plus réticentes à financer de nouvelles constructions, comme l'atteste la baisse des crédits hypothécaires non résidentiels, tombés à leur plus bas depuis dix ans. Les grands noms de l'immobilier, comme Persimmon, Redrow et Barratt, souffrent. Leurs ventes devraient plonger de 20 % à 50 % lors de l'exercice 2007-08, tandis que 136 PME de construction ont fait faillite depuis le début de l'année.

«L'avenir est sombre et la sortie de crise sera plus longue et plus pénible que prévu», assure David Kern, économiste en chef auprès des British Chambers of Commerce, qui anticipe une récession au regard de la diminution dramatique des carnets de commandes, en particulier dans le secteur des services. Or la consommation des ménages joue un rôle déterminant dans l'immobilier commercial, à travers l'activité des magasins et des centres commerciaux.

La spéculation continue toutefois de jouer une part importante sur ce marché. Ainsi, les fonds spéculatifs se précipitent sur les titres au plus bas en pariant sur une remontée de l'immobilier commercial, marché cyclique par excellence. Le prince Charles, héritier du trône et homme d'affaires avisé, entend profiter de ce ressac pour lancer un fonds spécialisé, baptisé Tellesma, doté d'un milliard de livres, en vue d'acheter des biens commerciaux et des biens fonciers bon marché pour les transformer en une vitrine de sa croisade écologique.

Dans la foulée, les principaux constructeurs immobiliers britanniques ont annoncé ou confirmé la suppression de plus de 4000 emplois ces derniers jours, pour tenter de survivre à la plus grave crise de l'immobilier que le pays ait connue depuis 25 ans au moins. En quelques jours, la quasi-totalité des grands groupes ont annoncé la suppression de 20 % à 40 % de leurs emplois: 1200 chez Barratt, 1100 chez Persimmon, 900 chez Taylor Wimpey, 400 chez Bovis et quelque 540 chez Redrow, tandis que Bellway avait annoncé en juin un minimum de 250 licenciements.

Les constructeurs payent l'éclatement désormais avéré de la bulle immobilière britannique. Les prix des maisons ont baissé en juin de 6,1 % sur un an, selon l'indice très écouté de la banque Halifax, confirmé par l'indice rival Nationwide. C'est le cinquième mois d'affilée qu'ils reculent par rapport au mois précédent, et le troisième mois d'affilée qu'ils reculent sur un an.

La prudence des banques à prêter désormais, avec une crise du crédit qui s'éternise, les taux de plus en plus élevés qu'elles pratiquent et la baisse du pouvoir d'achat qui résulte des prix du pétrole et de l'alimentation, historiquement élevés, sont à l'origine de ce mouvement.

Avec un rythme de baisse supérieur à celui de la précédente crise du début des années 90, «qui était déjà la pire des cinquante dernières années, on peut désormais dire qu'on se trouve dans le pire glissement de l'immobilier britannique depuis plus de 50 ans», a estimé Michael Saunders, économiste de Citi.

La plupart des économistes voient désormais la baisse des prix se poursuivre jusqu'à la fin 2009, voire au début 2010 au plus tôt.

Tous les constructeurs immobiliers ont fait ces derniers jours le même constat: une baisse de leurs ventes de 30 à 45 % au premier semestre, par rapport au premier semestre 2007, et une montée en flèche des annulations, jusqu'à 33,6 % sur l'année pour Barratt.

«Le marché est très difficile», remarque Mark Clare, directeur général de Barratt. Pour Persimmon, il s'agit «de la plus difficile période de [son] histoire récente». «Le pire contexte que le groupe ait vu depuis longtemps», souligne Bovis.

D'autant que, au plan social, le pire reste à venir, s'inquiètent les professionnels, car l'affaiblissement des constructeurs pourrait se transmettre aux professions liées à l'immobilier, comme les fabricants de cuisine, les conseillers immobiliers, les prêteurs et les agences immobilières notamment. Mark Clare a évalué jeudi à 60 000 le nombre des emplois qui risquent d'être perdus.

Toutes ces craintes «ajoutent au risque, grandissant, d'une entrée en récession du Royaume-Uni au second semestre, à laquelle nous croyons désormais», a estimé Peter Newland, de Lehman Brothers.

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