Immobilier américain - Deux géants du refinancement inquiètent

Washington — Les craintes concernant la santé financière des deux géants du refinancement immobilier aux États-Unis, Freddie Mac et Fannie Mae, ont été soudainement ravivées, soulignant l'importance de leur rôle dans le fonctionnement du marché du crédit immobilier américain.
Les deux établissements ont souffert, lundi, de la publication d'une note défavorable de la banque d'affaires Lehman Brothers, qui a fait plonger la valeur de leur action en Bourse de plus de 16 % sur cette seule séance. Selon le scénario développé par Lehman, sur la base d'un changement de règles comptables, encore hypothétique, Fannie Mae et Freddie Mac pourraient devoir se renflouer à hauteur de 49 et 26 milliards de dollars respectivement.Quand bien même les auteurs de l'étude ont eux-mêmes qualifié d'improbable un tel scénario, ces chiffres ont suffi à plomber les marchés. La décision de la banque californienne IndyMac, l'un des principaux prêteurs immobiliers du pays, de suspendre ses activités de crédit hypothécaire n'a fait que renforcer la nervosité des investisseurs.
Freddie Mac et Fannie Mae ont pour mission de racheter aux banques leurs créances hypothécaires. Les banques dégagent ainsi des fonds propres qui leur permettent d'accorder de nouveaux prêts, contribuant à soutenir le marché. À fin mai, leurs portefeuilles de prêts atteignaient au total 5200 milliards de dollars, soit un tiers de la capitalisation de la Bourse de New York et plus d'un tiers du Produit intérieur brut américain.
Une moindre activité de ces groupes aurait des conséquences catastrophiques pour un marché immobilier déjà très fragilisé. Elle gripperait vraisemblablement l'allocation de crédit aux particuliers, mais aurait également de graves répercussions sur les titres financiers émis par Freddie Mac ou Fannie Mae, placement préféré de nombre de banques. Ces titres bénéficient aujourd'hui le plus souvent d'une note maximum, ou «AAA», liée au statut des deux établissements, qui, sans être liés formellement au gouvernement disposent d'une ligne de crédit garantie par ce dernier.
La garantie de l'État protège théoriquement Freddie Mac et Fannie Mae de la faillite, mais la crise a affaibli les deux géants.
En outre, à la différence des banques commerciales traditionnelles, les deux établissements n'ont pas durci leurs conditions de crédit, au contraire. Sous la pression de l'administration Bush, qui souhaitait les voir contribuer encore davantage à la stabilisation du marché immobilier, ils ont bénéficié, début mars, d'un assouplissement de leurs règles de fonctionnement. Ce desserrement récompensait également l'amélioration de leur gestion, critiquée pendant des années.
Forts de ces nouvelles possibilités, les deux établissements ont pu ainsi racheter plus de prêts, tout en continuant de se tenir éloignés des prêts à risque, dits «subprime». Freddie Mac et Fannie Mae ont tous deux vu leur portefeuille croître de 13 % entre mai 2007 et mai 2008.
«Ces deux sociétés bénéficient de fonds propres adéquats», a indiqué hier James Lockhart, directeur de l'autorité de tutelle des deux entités, interrogé par la chaîne financière CNBC. «Un changement de règles comptables ne devrait pas déclencher un changement de capitalisation», a-t-il ajouté, tentant de couper court au scénario de Lehman Brothers.
Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a lui appelé de nouveau à un renforcement de la supervision des deux firmes. «Si elles sont solides, bien régulées, bien capitalisées et concentrées sur leur mission, elles seront capables d'augmenter l'accès au crédit immobilier sans poser de risque pour le système financier et le contribuable», a-t-il expliqué.