Le marché du travail est en pleine mutation

Les très nombreuses statistiques et informations sur le marché du travail révèlent une extraordinaire mouvance, tant dans les occupations disponibles que dans les personnes qui bénéficient de la création de nouveaux emplois. Depuis des années, des travailleurs mexicains participent aux récoltes dans les fermes québécoises et la pénurie de personnel médical fait la manchette presque chaque jour. Voilà qu'on parle maintenant d'importer des chauffeurs de camion d'Europe et d'Afrique. La Ville de Québec se plaint de manquer de chauffeurs de taxi. Bombardier part à la recherche d'ingénieurs à la grandeur de la planète, etc.
Encore hier, l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) a publié une liste considérable de statistiques sur la rémunération et l'emploi, lesquelles restent à faire l'objet d'une puissante analyse pour en dégager les éléments essentiels et une synthèse nuancée. Il y a quelques semaines toutefois, l'ISQ publiait un bilan de l'emploi qui confirmait des changements importants dans le monde du travail, certains ayant été observés par tout le monde, mais d'autres pouvant paraître étonnants.Par exemple, quand on nous montre à la télé des travailleurs qui perdent leur emploi parce que l'usine où ils travaillent depuis 20 ou 30 ans ferme ses portes, on entend inévitablement ces personnes dire qu'à leur âge, elles ne pourront plus jamais être embauchées ailleurs. Or le bilan de l'ISQ pour l'année 2007 indique que les personnes de 55 ans et plus bénéficient grandement de la création de nouveaux emplois. Ces personnes ont obtenu l'an passé 40 % des nouveaux emplois, c'est-à-dire 35 700. Sans surprise, les gens se situant dans le groupe d'âge de 25 à 54 ans ont obtenu 45 % des nouveaux emplois, soit 38 200. La conviction ou l'impression qu'on ne peut pas trouver de travail après 50 ans serait-elle un mythe?
Marie-France Martin, réalisatrice de ce document intitulé «État du marché du travail au Québec: le point en 2007», souligne que, sur les 35 700 personnes âgées de 55 ans et plus qui ont été embauchées, 35 000 l'ont été dans le domaine des services, notamment dans le commerce, plus particulièrement dans les secteurs de la finance, des assurances, de l'immobilier, de la location et autres services. En somme, elles ont trouvé un emploi dans le milieu des cols blancs, où l'effort physique est plutôt limité. Le secteur des services est désormais celui qui emploie le plus de monde, soit 78 % de tous les emplois dans l'économie. De plus, le vieillissement de la population explique en partie le fait que 40 % des nouveaux emplois ont été obtenus par des personnes âgées de 55 ans et plus. On en est maintenant à la situation où un travailleur sur deux a plus de 40 ans au Québec et un Canadien actif sur six a dépassé 55 ans.
Dans cette mouvance de l'emploi, il y a bien sûr cette vague forte venant des femmes sur le marché du travail. En 2007, les femmes ont obtenu les trois quarts des nouveaux emplois, soit 67 300, alors que 19 000 emplois sont allés à des hommes. En fait, la croissance de l'emploi salarié au Québec depuis 10 ans a été surtout le fait des femmes, qui ont pris 60 % des nouveaux emplois. En 1997, il y avait 1 261 700 femmes et 1 417 100 hommes salariés, soit un écart de 155 400 entre les deux groupes. En 2007, on comptait 1 637 000 femmes, en hausse de 29,7 % en 10 ans, et 1 662 600 hommes, en hausse de 17,3 %. L'écart entre les deux groupes était alors inférieur à 26 000 emplois. Les femmes détiennent 49,6 % des emplois et les hommes, 50,4 %. Ce n'est probablement plus qu'une question de semaines avant que les femmes salariées soient plus nombreuses que leurs collègues de sexe masculin.
Quant à la pénurie de main-d'oeuvre, la firme Jobboom a présenté récemment une liste exhaustive d'une centaine de métiers et de professions qui présentent un taux de chômage allant de 0 à 5 %. Cela va de la conduite de grue jusqu'à l'actuariat. Le jour approche où on pourrait assister à des luttes épiques entre les entreprises pour trouver de nouveaux employés. Ou alors elles devront faire preuve d'une grande ingéniosité pour ne pas perdre ou se faire voler les employés qu'elles ont déjà. Cela pourrait devenir une «grande séduction» généralisée. Dans cette perspective, l'immigration apparaît déjà comme un apport tout à fait essentiel pour assurer le développement de l'économie. Les statisticiens s'intéressent d'ailleurs à eux. Ils constatent que, au cours des premières années, leur participation au marché du travail est plus faible; par contre, ceux arrivés au Canada depuis cinq à dix ans sont les plus présents sur le marché du travail, soit un taux d'emploi de 72 % en comparaison de 82 % pour les personnes nées ici.