Budget provincial - Québec doit voir à long terme, croit Desjardins
Au lieu de se «laisser distraire par la mise en place de politiques contracycliques», le gouvernement Charest aurait intérêt à faire de son prochain budget le «point de départ» d'une stratégie à long terme visant à résoudre les grands défis du Québec, comme la productivité, a écrit hier le Mouvement Desjardins.
Dans un long texte de réflexion sur la santé de l'économie et des finances publiques, trois économistes du Mouvement Desjardins estiment que les défis à venir — changements démographiques, infrastructures vieillissantes, pénurie de main-d'oeuvre, etc. — sont trop importants pour que Québec succombe à la tentation du court terme.«Le gouvernement a fait plusieurs améliorations dernièrement qui ont été accueillies favorablement. La récente réforme comptable et le Plan québécois des infrastructures publiques en sont des exemples», écrivent François Dupuis, Yves St-Maurice et Benoit Durocher.
«Il reste encore du chemin à faire parce que, malgré des transferts importants du fédéral et une conjoncture économique qui a été très favorable, la marge de manoeuvre de Québec demeure mince. Il faut penser à l'avenir maintenant», ajoutent-ils.
La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a clairement affirmé que les moyens à la disposition du gouvernement sont limités et que les libéraux ne pouvaient satisfaire à toutes les demandes des autres partis. Il y a trois semaines, elle a dit que son budget, prévu le 13 mars, s'articulerait donc autour de la productivité de l'économie québécoise, nettement plus faible que celles de l'Ontario et des États-Unis.
«Il y a une urgence, a dit M. Dupuis lors d'un entretien. On semble tarder à faire des changements plus "structurants". Le budget, ça devrait être une année dans un plan quinquennal, ou à long terme. Le fait d'avoir un gouvernement minoritaire empêche peut-être certaines choses de se faire... »
Faute d'un coussin budgétaire, les trois économistes soumettent plusieurs propositions. Certaines, comme une hausse des tarifs d'électricité, sont connues. Parmi les autres figurent une politique plus poussée en matière de formation de main-d'oeuvre, une plus grande efficacité gouvernementale et un système qui repose un peu plus sur les taxes à la consommation (avec des remboursements pour les moins nantis) que sur le revenu.
En ce qui concerne la baisse des investissements dans le secteur privé, dont la cause est «difficile à cerner», ils suggèrent des incitatifs à l'investissement.
Cette proposition va dans le sens de que ce Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke, a déjà affirmé lors d'un entretien. Pour améliorer la productivité, «ça prend un crédit d'impôt à l'investissement», avait-il indiqué en disant que Québec devrait aider une entreprise «chaque fois qu'elle sort son chéquier pour acquérir de la machinerie».
Selon la définition officielle de Statistique Canada, les mesures de productivité permettent d'évaluer l'efficacité avec laquelle des ressources sont transformées en produits et services.
Récemment, le rapport du Groupe de travail sur les aides fiscales (GTAF), dont a fait partie M. Godbout, a estimé que les entreprises sont «globalement confrontées» à un problème de productivité, ce qui selon lui affecte le niveau de vie. En 2006, la productivité, par rapport au Québec, était supérieure de 29 % aux États-Unis, de 12 % au Canada et de 9 % en Ontario, a écrit le GTAF.
Retour au déficit?
Il y a un an, en pleine campagne électorale, le Parti libéral avait causé la surprise en annonçant que le transfert pour le règlement du déséquilibre fiscal allait servir à débloquer des baisses d'impôt. Le gouvernement avait alors fait valoir que le contribuable méritait enfin un allégement fiscal. Ses détracteurs s'étaient interrogés sur la capacité d'offrir une telle baisse d'impôt alors que le gouvernement peine à financer ses programmes.
Les économistes de Desjardins s'inquiétaient hier du fait que Québec, lors d'une mise à jour économique cet automne, a haussé ses prévisions de revenus et dépenses pour 2008-09. Or, préviennent-ils, l'économie montre des signes de ralentissement. Depuis le dépôt du budget en 2007, la prévision de croissance économique pour le Québec en 2008 est passée de 2,5 % à 1,5 %.
«L'incertitude quant à l'évolution de l'économie aurait dû inciter le gouvernement à davantage de prudence», écrivent-ils. Le ralentissement pourrait affecter les revenus de Québec et menace l'équilibre budgétaire. «Les risques de revoir un déficit ne sont pas improbables si jamais le repli de l'économie américaine perdure.»