ALENA: les propos des démocrates inquiètent Charest

Le premier ministre Jean Charest s'est inquiété hier des propos de Hillary Clinton et de Barack Obama concernant une éventuelle renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais a dit qu'il y avait là une bonne raison pour le Québec d'explorer d'autres marchés.
«Ce n'est pas la première fois que ça se fait. À la dernière élection présidentielle, les démocrates avaient un discours somme toute très protectionniste», a dit le premier ministre dans le cadre d'un mini-colloque libéral portant sur les échanges commerciaux. «Moi, ça m'inquiète. À force de ramener le sujet, on finira bien par avoir quelqu'un qui va agir là-dessus. Ça nous rappelle à quel point on a intérêt à s'ouvrir vers de nouveaux marchés, à quel point on est vulnérable.»M. Charest, accompagné hier d'une brochette de ministres, dont celui du Développement économique, Raymond Bachand, et celle de l'Éducation, Michelle Courchesne, ne pense pas que les Américains vont effectivement vouloir rouvrir l'ALENA. «Mais quand les leaders politiques prennent la peine de soulever le sujet, c'est le reflet d'une anxiété exprimée à plusieurs endroits aux États-Unis, une anxiété venant du fait que le secteur manufacturier américain, comme le nôtre, subit les pressions très fortes des économies émergentes.
«Si jamais un nouveau gouvernement américain décidait de renégocier l'ALENA, imaginez les conséquences. Il y a là un rappel très important pour nous», a dit M. Charest.
Il y a fort à parier, selon le premier ministre, que le message des deux candidats disparaîtra ou pâlira une fois que le Parti démocrate aura fait son choix. Il faut tout de même y porter attention, car Hillary Clinton et Barack Obama ne sont pas les seuls à soulever ce genre de questionnement au sujet de l'ALENA, signé en 1988 à l'époque où M. Charest faisait partie du cabinet conservateur de Brian Mulroney à Ottawa. Il y a aussi les gouverneurs de certains États, a dit M. Charest.
Le premier ministre canadien, Stephen Harper, a lui aussi affirmé la semaine dernière que la réouverture de l'ALENA serait une erreur. Environ 80 % des exportations canadiennes sont expédiées aux États-Unis.
Au cours des derniers jours, les conservateurs se sont toutefois retrouvés dans l'embarras après qu'une note de service diplomatique eut apparemment cité un conseiller de M. Obama. Ce conseiller aurait dit que M. Obama fait du «positionnement politique» et que ses propos concernant l'ALENA ne reflètent pas un plan concret. M. Harper s'est fait accuser d'ingérence politique, ses détracteurs soupçonnant un plan visant à faire dérailler l'aspirant candidat présidentiel.
L'ambassade canadienne à Washington a diffusé un communiqué regrettant toute insinuation voulant que M. Obama ne tienne pas le même discours en public et en privé. Hier, Barack Obama a déclaré que «personne n'a tenté de rassurer le Canada de quoi que ce soit».
Accords commerciaux
Lors de son allocution hier matin et aussi lors d'une conférence de presse en après-midi, M. Charest a longuement parlé d'un accord bilatéral qu'il aimerait voir entre le Québec et la France. Le Parti libéral souhaite par exemple que «la reconnaissance mutuelle des compétences des travailleurs qualifiés permettra aux travailleurs français qualifiés de venir chez nous plus facilement pour y exercer leur métier ou leur profession, et réciproquement pour les Québécois qui veulent travailler en France».
Cette entente s'appliquerait notamment aux métiers de la construction. Prié en conférence de presse de répondre aux opinions de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) selon laquelle il faudrait d'abord recycler les travailleurs du Québec avant de séduire ceux de l'étranger, M. Charest a dit que «venir en aide aux travailleurs, c'est toujours notre priorité». «Mais l'un n'exclut pas l'autre», a-t-il ajouté.
M. Charest a énuméré les cinq «projets» de la vision commerciale que son parti souhaite mettre en oeuvre. Un éventuel accord avec la France constitue le premier. Les quatre autres sont les suivants: la signature d'un accord entre le Québec et l'Ontario, visant à abolir certaines barrières et favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre; une entente commerciale entre le Canada et l'Union européenne; la mise en application intégrale de l'Accord sur le commerce intérieur pour stabiliser les échanges commerciaux entre les provinces; et une meilleure reconnaissance des compétences des travailleurs formés à l'extérieur du Québec pour permettre aux compagnies de combattre la pénurie de main-d'oeuvre.
Par ailleurs, le premier ministre a indiqué que le négociateur en chef du Québec dans les discussions avec l'Ontario concernant un resserrement des échanges économiques serait l'ex-ministre des Finances Michel Audet.