PCAA: la Nationale implore l'indulgence

Malgré le cri du coeur du président du conseil de la banque, le chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon, a admis que la performance de la banque avait été «nettement insuffisante» en 2007.
Photo: Malgré le cri du coeur du président du conseil de la banque, le chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon, a admis que la performance de la banque avait été «nettement insuffisante» en 2007.

Le président du conseil d'administration de la Banque Nationale, Jean Douville, implore les Québécois de cesser de critiquer l'institution montréalaise pour sa conduite dans la crise du papier commercial adossé à des actifs (PCAA).

Dans un cri du coeur qu'il a lancé à la toute fin d'une longue assemblée des actionnaires, hier, M. Douville a reconnu que le dossier du PCAA avait été «une crise importante» pour la banque. Mais à ses yeux, les reproches ont souvent été «erronés, incomplets — pour ne pas dire incompétents — et à part de ça très injustes» envers les employés et les dirigeants de l'institution. «C'est très dérangeant. [...] Je pense qu'on devrait tirer ensemble un peu plutôt que de tirer sur la Banque Nationale pour tout et rien», a-t-il lâché, suscitant les applaudissements des centaines d'actionnaires réunis à Montréal.

Dans son allocution devant l'assemblée, le président et chef de la direction, Louis Vachon, a néanmoins admis que la performance de la banque avait été «nettement insuffisante» en 2007. Il a pris comme une responsabilité personnelle la chute du cours de l'action ces derniers mois (un recul de près de 15 % depuis la mi-août). Hier, le titre de la Nationale a reculé de 4,2 % pour clôturer à 48,58 $ à la Bourse de Toronto.

M. Vachon a assuré hier qu'il n'avait pas songé à démissionner dans la foulée de la déconfiture du PCAA, qui a forcé la Banque à radier 575 millions au quatrième trimestre 2007. Si les États-Unis ne connaissent pas de récession «sévère» et que le PCAA, actuellement en cours de restructuration, ne subit pas de liquidation désordonnée, l'institution n'entend pas inscrire d'autre radiation en 2008.

La Nationale a été frappée plus durement que plusieurs autres institutions par la crise parce qu'elle n'avait pas les moyens de constituer elle-même le PCAA qu'elle vendait, contrairement aux grandes banques de Toronto, a répété Louis Vachon. Malgré les menaces de retrait de la Banque de Montréal de l'accord de restructuration conclu en décembre, le grand patron garde bon espoir que tout se déroulera correctement. «Il y a plusieurs autres alternatives qui existent [outre la restructuration actuelle]», a-t-il assuré.

L'analyste André-Philippe Hardy, de RBC Marché des capitaux, croit toutefois que la Banque Nationale serait plus vulnérable que ses pairs si la restructuration devait dérailler. «La direction [de la banque] est plus optimiste que nous sur le processus», a-t-il écrit dans une note publiée hier.

Chose certaine, le contexte économique moins propice anticipé pour 2008 a contraint la banque à réduire son objectif de croissance du bénéfice par action, qui passe d'une fourchette de 5 à 10 % à une cible plus modeste de 3 à 8 %.

Solidaire

M. Vachon a cherché hier à montrer sa solidarité avec les clients commerciaux de la banque qui détiennent individuellement plus de deux millions de dollars de PCAA et qui n'ont pas encore été remboursés. Lui-même détient pas moins de 2,5 millions en PCAA dans des fonds communs de placement personnels.

«Si mes clients n'ont pas 100 ¢ dans la piastre, je ne m'attends pas à avoir 100 ¢ dans la piastre sur mes avoirs que j'ai mis en fidéocommis», a déclaré le dirigeant. «On vit dans une communauté, particulièrement au Québec, où c'est tricoté très serré, a-t-il noté. Alors je me vois mal dans une situation où je dois fréquenter, socialement et par obligation d'affaires, plusieurs des clients qui n'ont pas été remboursés, de leur dire "moi, j'ai eu mon cash et toi, tu ne l'as pas eu".»

Il faut dire qu'au cours des dernières semaines, la Nationale a reçu des mises en demeure de certains clients commerciaux qui veulent récupérer rapidement leur mise, dont Transat A.T. On ne connaît pas la valeur totale des avoirs de ces clients, qui sont au nombre de moins d'une centaine. Jusqu'ici, ces clients ont profité, à hauteur de quelque 100 millions, de facilités de crédit avantageuses mises en place par la banque pour compenser leur incapacité temporaire d'accéder à leurs liquidités.

Face à la crise, la banque a modifié ses règles de gestion du risque, en changeant notamment les limites imposées à chaque type d'instruments financiers pouvant être détenus dans les fonds communs de placement. Certains de ces fonds pouvaient jadis être composés à plus de 35 % de PCAA.

Réagissant aux propos de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau selon lesquels la banque aurait fait l'objet d'offres de prise de contrôle au cours des dernières années, notamment de la part de la Société Générale de France, Jean Douville, qui siège au conseil depuis 1991, a nié avec force. «Je ne vois pas pourquoi on serait obligés de se départir du contrôle de la banque pour satisfaire nos actionnaires, a lancé Louis Vachon. On est capables nous-mêmes.»

Comme prévu, toutes les résolutions présentées par le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) et le militant Lowell Weir, sauf une sans importance, ont été défaites par de larges marges, notamment grâce au vote des caisses de retraite. L'une d'entre elles réclamait la tenue d'une enquête indépendante sur la gestion du PCAA.

«Les années à venir seront dures pour les institutions financières et les investisseurs institutionnels, beaucoup plus que les chansons rassurantes et les rengaines que l'on entend lors des assemblées d'actionnaires», a commenté Yves Michaud, du MEDAC.

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