Transport aérien - Le pétrole cher pourrait entraîner une fusion des low-costs
Paris — La cherté du pétrole et le ralentissement économique devraient peser cette année sur les résultats des compagnies low-costs européennes, poussant à une concentration du secteur avec la possible disparition de certaines d'entre elles, selon des experts.
À l'image de la première d'entre elles, l'irlandaise Ryanair, qui a annoncé lundi une chute de 27 % de son bénéfice net au troisième trimestre (septembre-décembre) 2007-08, assortie de perspectives pessimistes pour l'exercice suivant, elles risquent de voir leurs profits rétrécir.«Le secteur européen de l'aviation est confronté à un retournement de cycle, et pourrait bien subir une "tempête modèle", entre la hausse des prix du pétrole et une demande des consommateurs affaiblie», a ainsi estimé son directeur général, Michael O'Leary.
«La facture carburant est telle que les moins efficaces [des low-costs] vont énormément souffrir», a prédit de son côté le directeur général de la compagnie britannique à bas coûts Easyjet, Andy Harrison, dans un entretien au quotidien français La Tribune. Le numéro deux du secteur présente demain ses résultats trimestriels.
Le kérosène coûte maintenant environ 110 $US le baril, contre moins de 40 $US il y a seulement quatre ans. «Le poste carburant représente 30 % du chiffre d'affaires des low-costs», observait hier Yan Derocles, analyste de Oddo Securities.
Et contrairement aux grandes compagnies traditionnelles, comme Air France-KLM, peu d'entre elles disposent d'une couverture pétrole importante — une assurance en quelque sorte prise chaque année en cas de montée de l'or noir —, à l'exception d'Easyjet, dont les besoins sont couverts à 40 % pour l'exercice 2008.
S'adressant à une clientèle très regardante sur les coûts, les low-costs disposent d'une marge de manoeuvre étroite pour reporter le poids de cette facture sur le prix des billets. D'autant plus que le ralentissement économique pourrait également peser sur le budget voyage de leurs clients.
Une consolidation
«Il risque d'y avoir une consolidation par la disparition de compagnies», prédit M. Harrison. Depuis 2002, les low-costs européennes se sont développées sans fusionner, à l'exception d'Air Berlin, qui avait avalé deux concurrentes nationales et le voyagiste Condor entre 2006 et 2007.
«Avec une cinquantaine de low-costs en Europe, on va voir si cela se traduit par un assainissement du marché», estime M. Derocles.
«En Espagne, Clickair, Vueling et Spanair auront des problèmes», pense M. Harrison. De fait, le premier actionnaire de Vueling, le groupe d'édition Planeta, a reconnu le 29 janvier avoir des contacts avec d'autres compagnies, notamment Clickair. Et en Allemagne, le même jour, la compagnie aérienne traditionnelle Lufthansa et le groupe de tourisme TUI, ont signé «une lettre d'intention», c'est-à-dire ouvert officiellement des négociations pour rassembler sous un seul toit leurs compagnies aériennes à bas prix.
De l'avis des experts, le transport aérien européen, encore très fragmenté comparé à d'autres secteurs, est appelé à se concentrer, un mouvement amorcé pour les compagnies traditionnelles, anciens étendards nationaux, par Air France avec sa fusion avec KLM en 2003.
Au cours des quinze prochaines années, pronostique M. Harrison, «il n'y aura que deux compagnies européennes low-costs puissantes, Ryanair et Easyjet et des low-costs locales par exemple Wizz Air en Europe de l'Est. Y aura-t-il un numéro trois? Pas sûr.»