Les Américains se convertissent, bon gré mal gré, à la voiture verte

La hausse du prix de l’essence et les contraintes environnementales obligent les constructeurs présents au Salon automobile de Detroit à revoir leur stratégie. Pourtant, pour une Karma, présentée par Kisker, nombreux sont encore les Dodge Ram 1500
Photo: Agence Reuters La hausse du prix de l’essence et les contraintes environnementales obligent les constructeurs présents au Salon automobile de Detroit à revoir leur stratégie. Pourtant, pour une Karma, présentée par Kisker, nombreux sont encore les Dodge Ram 1500

Detroit — «Tout en vert, ou comment aller au paradis sans essence»: la manchette du Detroit Free Press, le quotidien du Michigan, donnait le ton pour l'ouverture du 20e Salon de l'automobile de Detroit. Souvent peints en vert, nombre des modèles présentés au Cobo, le grand centre local des expositions, sont axés sur l'«innovation environnementale». Après avoir longuement résisté à la tendance, contrairement aux Européens, les constructeurs américains font désormais de la réduction de la consommation une priorité. «C'est une obligation vis-à-vis de [notre] opinion publique», a reconnu Rick Wagoner, le p.-d.g. de General Motors (GM).

Quelque 75 nouveaux véhicules «propres» — hybrides (fonctionnant à l'électricité et à l'essence), 100 % électriques, à base de biocarburants, de pile à combustible — ont été présentés. GM a annoncé que, d'ici à cinq ans, la moitié de sa production serait flex fuel, une motorisation permettant de rouler avec des biocarburants. Ford souhaite vendre en 2012 un demi-million de véhicules sous son label EcoBoost. Petit constructeur américain, Fisker a présenté un modèle de voiture hybride, la Karma, dont les batteries au lithium-ion sont rechargeables par des panneaux solaires disposés sur le toit en cas d'arrêt prolongé.

«Par rapport à ce que l'on a pu apprendre au dernier Salon de Francfort, les Américains sont très en retard sur le principal enjeu de l'avenir: l'amélioration de l'efficacité du combustible», estime néanmoins un expert, qui travaille pour un constructeur français. Après avoir passé des années sans se préoccuper de consommation, les Américains connaissent un réveil technologique délicat. Les Européens travaillent déjà sur des perspectives de 1,5 à deux litres aux 100 km, souligne cet expert.

De fait les ventes de pick-up et de gros 4X4, très gourmands en carburant, même si elles baissent rapidement, constituent toujours près de la moitié du marché américain. Très rentables aussi, ils représentent le seul domaine ou les Big Three (GM, Ford et Chrysler) maintiennent une position dominante sur leur propre marché.

Habitudes de consommation

Et même si Toyota a présenté à Detroit un prototype de pick-up hybride, ce sont les énormes Ford F-150 et Dodge Ram 1500 qui ont attiré, au salon, le plus de visiteurs. Habitué depuis longtemps à des véhicules gros consommateurs d'un carburant peu cher, l'Américain moyen reste loin d'imaginer pouvoir s'en passer.

Après deux années de recul des ventes d'automobiles, beaucoup prédisent que 2008 sera plus difficile encore en cas de récession de l'économie américaine. De ce fait, malgré les déclarations d'intention, les constructeurs américains se méfient de cette «vague verte», qui impliquera inéluctablement un renchérissement du coût des véhicules.

On fait grand cas de la «voiture verte», écrit Tom Walsh, le spécialiste automobile du Detroit Free Press, mais «nos constructeurs savent bien que, dès que le gallon sera revenu sous les 3 $US, nous voudrons continuer à poser nos gros culs américains dans de beaux pick-up confortables et des berlines spacieuses».

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