La vente de BCE compromise?

Malgré une assurance renouvelée hier tant par BCE que par Teachers, les investisseurs sont demeurés nerveux. Craignant que le resserrement des conditions de crédit ne fasse dérailler cette transaction de 51,7 milliards visant l'acquisition du géant canadien des télécommunications, le marché accolait hier une valeur de 36,37 $ à l'action de BCE, soit 15 % sous le prix offert par un consortium dirigé par Teachers.

Déjà, le 14 décembre dernier, BCE a dû répondre aux rumeurs par voie de communiqué. «Même si BCE a pour politique de ne pas commenter les rumeurs ou conjectures qui circulent sur le marché, elle a décidé aujourd'hui, dans l'intérêt des actionnaires, de confirmer que ni BCE ni son conseil d'administration ne participent à quelque discussion visant la renégociation de quelque modalité que ce soit de l'entente définitive conclue le 29 juin 2007.» L'action du géant des télécommunications s'échangeait alors à 38,60 $, soit à 10 % sous le prix offert de 42,75 $.

Cette action a clôturé la séance d'hier à 36,37 $, après avoir touché un creux de 35,82 $, marquant un recul de 16 ¢ (0,4 %) par rapport à la veille, un cinquième recul en autant de séances À ce nouveau cours, l'action s'échange à 15 % sous le prix offert. Pierre Leclerc, responsable des relations médias chez Bell Canada, a rappelé hier qu'il n'y a pas que l'action de BCE qui baisse, que la tendance générale du marché est également baissière. Cette nuance étant, «nous n'avons pas d'autres commentaires à faire. Surtout, nous ne commentons pas les rumeurs. Nous continuons tel que prévu. Nous continuons de travailler fort à compléter la transaction tel que prévu, selon l'échéancier prévu, qui nous amène à la première partie du deuxième trimestre 2008.»

Même assurance chez Teachers. Deborah Allan, directrice des communications de la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario, a déclaré: «Nous n'avons rien à dire. Ce ne sont que des rumeurs. Nous avons une entente et nous y demeurons engagés.»

Marché du crédit sous tension

L'offre de 51,7 milliards déposée à la fin de juin s'inscrivait déjà dans un contexte d'un marché du crédit placé sous haute tension. Et la pression s'est exacerbée par la suite, après l'éclatement de la bulle des subprimes. À ce moment-là, Jim Leech — celui qui a pris depuis la succession de Claude Lamoureux à la tête de Teachers — indiquait que la détérioration du marché du crédit à haut risque avait été prise en compte dans l'élaboration de l'offre sur BCE. Mais du même souffle on disait espérer que le marché pour ce type de financement se stabilise.

La conjoncture a empiré depuis, alimentant les rumeurs voulant que les membres du consortium acheteur souhaiteraient revoir à la baisse les paramètres de l'offre, voire que certains pourraient se désister. Des rumeurs alimentées par le maintien persistant du cours de l'action de BCE sous le prix offert. Hier, l'agence financière Reuters rappelait une information diffusée mercredi voulant que la firme Merrill Lynch, déjà lourdement touchée par la crise du crédit hypothécaire à haut risque, retirerait son engagement de 475 millions contracté auprès de l'un des partenaires du consortium acheteur, Providence Equity Partners. À lui seul ce retrait pourrait compromettre l'ensemble de la transaction, soutenait l'agence, qui soulignait cependant à larges traits qu'il ne s'agissait que de rumeurs.

Le marché s'inquiète également du fort niveau d'endettement de BCE qui découlera de cette transaction, dans un environnement de crédit resserré et de taux d'intérêt accrus. Il retient également que d'autres opérations d'acquisition par endettement ont échoué depuis le début de la crise, les conditions plus serrées et la frilosité du marché rendant ces transactions non viables. Sans compter que l'offre sur BCE est contestée devant les tribunaux par des détenteurs actuels de titres obligataires de Bell.

Dirigé par Teachers

Dans le cas de BCE, le consortium acheteur est dirigé par Teachers (participation de 52 %) et était composé à l'origine des fonds privés américains Providence (32 %) et Madison Deaborn (9 %). La partie restante est retenue par la Banque TD qui, un peu plus tôt cette semaine, réitérait sa confiance dans l'opération. Lors d'un sommet réunissant les dirigeants des grandes banques mardi, le chef de la direction de la TD, Ed Clark, a répondu qu'il était à l'aise avec la transaction le jour de son entrée en scène et qu'il l'est encore aujourd'hui.

La transaction est évaluée à 51,7 milliards, à 34,8 milliards si on exclut la dette actuelle de Bell, les actions privilégiées et les participations minoritaires. Elle repose sur une mise de fonds de huit milliards et fait appel à un endettement de 26 milliards, dont 12 milliards sous forme de dettes subordonnées et 14 milliards de dettes garanties, un endettement supplémentaire devant devenir la responsabilité de BCE.

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