Luc Bertrand au Devoir - Le maintien des activités boursières à Montréal n'était pas gagné d'avance

Le président de la Bourse de Montréal, Luc Bertrand, était de passage hier dans les bureaux du Devoir. Il expliqué les circonstances dans lesquelles son homologue de Bay Street a ranimé le sujet d’une fusion entre les Bourses de Montéral et Toron
Photo: Le président de la Bourse de Montréal, Luc Bertrand, était de passage hier dans les bureaux du Devoir. Il expliqué les circonstances dans lesquelles son homologue de Bay Street a ranimé le sujet d’une fusion entre les Bourses de Montéral et Toron

Ce que la Bourse de Toronto a compris entre l'impasse des pourparlers estivaux et la signature d'une transaction à l'automne, c'est qu'elle devait absolument garantir le maintien des activités boursières à Montréal si elle souhaitait un jour obtenir la bénédiction de Québec.

Lors d'un passage au Devoir hier, le président de la Bourse de Montréal, Luc Bertrand, a présenté quelques grandes lignes de ce qui apparaît comme un changement de cap torontois et expliqué les circonstances dans lesquelles son homologue de Bay Street a ranimé le sujet d'une fusion quatre mois après avoir rompu les négociations.

Cible d'une offre d'achat de 1,3 milliard déposée en décembre par la Bourse de Toronto, la Bourse de Montréal a publié en début de semaine le détail de la transaction. Celle-ci, qui n'est pas chose faite, prévoit notamment que M. Bertrand sera le numéro deux de la société fusionnée, que Montréal conservera son expertise en produits dérivés — des options et des contrats à terme — et que l'Autorité des marchés financiers (AMF) aura un droit de regard sur l'avenir de la nouvelle entité.

«Après juin, j'étais convaincu qu'il n'y avait aucune possibilité de s'entendre», a dit M. Bertrand. Le document publié lundi se limite à parler d'un «désaccord quant au modèle de gouvernance». «L'écart était très grand sur ce que ça nous prenait et, eux, ce qu'ils étaient prêts à faire.»

En octobre, M. Bertrand croise son homologue torontois, Richard Nesbitt, dans un congrès à Shanghai. M. Nesbitt revient sur le sujet. «Je lui ai dit: "Tu perds ton temps... " J'étais sérieux. On était en grande réflexion à Montréal, on venait de retenir les services de groupes financiers pour explorer nos solutions.» Au cours de cette exploration, deux Bourses américaines soumettent une idée de ce qu'elles sont prêtes à offrir. Aucune des deux ne garantit le maintien des activités à Montréal.

Entre-temps, toutefois, il semble y avoir une volte-face à Toronto. Le 1er novembre, M. Nesbitt téléphone de nouveau à Montréal. Est-ce lié au maintien des activités à Montréal? «En grande partie. C'est un gros facteur dans l'équation. Son rôle, mon rôle, évidemment... » Autrement dit, Toronto avait compris que, pour que l'AMF approuve un projet de transaction impliquant la Bourse de Montréal, il fallait des garanties. Selon M. Bertrand, son homologue torontois a investi «énormément de temps, de travail, de réflexion pour convaincre son conseil et se faire une tête lui-même au sujet de Montréal».

En vertu d'une entente de 1999, Toronto a obtenu l'exclusivité sur les actions des grandes compagnies jusqu'en 2009 alors que Montréal s'est spécialisé dans les produits dérivés. Le créneau montréalais est plus petit, mais il s'est développé plus vite, et Toronto envisageait de s'y lancer dès 2009. De part et d'autre, on a convenu qu'il valait mieux faire équipe, au risque, évidemment, de déclencher une tempête québécoise sur fond de nationalisme économique.

«On avait la même vision de bâtir un groupe avec tous les morceaux du casse-tête sur une même plateforme unifiée, mais pour ficeler tout ça, les nuances, et comment les autorités réglementaires réagiraient et tout ça... Il y avait une réflexion à faire à ce niveau-là», a dit M. Bertrand.

Demandes de l'AMF

Le projet prévoit que, sur les 17 membres du conseil d'administration de la nouvelle entité, cinq seront du Québec. Selon M. Bertrand, puisque trois des administrateurs torontois sont des Québécois, c'est comme si huit des dix-sept membres se conformaient déjà au critère.

L'AMF tiendra des audiences dans les prochaines semaines et aura à se prononcer. Qu'arriverait-il si l'AMF donnait son appui en exigeant plus que cinq sièges? «C'est une négociation qui aurait lieu à ce moment-là. Mais on ne peut pas présumer de ce que l'AMF va ultimement demander, a dit M. Bertrand. Si l'opinion locale est que ça en prend beaucoup plus, bien, il faudrait voir les raisons.»

M. Bertrand a insisté sur le fait que l'AMF aura son mot à dire pour la suite des choses. Le projet prévoit qu'aucun actionnaire ne pourra détenir plus de 10 % de la nouvelle entité et qu'aucun changement ne pourra être fait sans l'accord de l'AMF et de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

Prié de dire ce qui arriverait si jamais Ottawa réussissait à imposer unilatéralement la création d'une agence réglementaire unique pour l'ensemble du pays, M. Bertrand n'a pas voulu faire de commentaires. Il est clair, a-t-il dit toutefois, que l'AMF devient de facto le spécialiste réglementaire des produits dérivés pour l'ensemble du Canada.

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