Les avantages de la tarification dans les services publics
Le Québec aurait tout intérêt à recourir plus qu'il ne le fait déjà à la tarification dans les services publics, estiment des experts de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.
«Il ne s'agit pas d'ajouter 1 ¢ au fardeau des gens, explique le titulaire de la chaire, Gilles N. Larin. Il s'agit plutôt de remplacer une partie de l'impôt ou des taxes foncières qu'ils payent déjà par quelque chose qui introduirait dans leurs comportements un élément de rationalité [économique] qui est totalement absent pour le moment.»La fausse impression de gratuité des services publics que donne leur mode actuel de financement ne contribue qu'à encourager la multiplication de programmes «de plus en plus nombreux et onéreux», écrit le professeur avec un autre fiscaliste, Daniel Boudreau, dans une série de trois fascicules intitulée La tarification des services publics: financement différent ou taxe supplémentaire?. Cette situation apparaît de plus en plus intenable quand on sait les défis auxquels sera confronté le Québec en matière de flambée des coûts de la santé, de choc démographique et de concurrence fiscale étrangère.
Évaluation difficile
Administrée à la pièce dans le plus grand fouillis qui soit, la tarification des services publics est actuellement difficile à quantifier. Les deux experts évaluent néanmoins que le Québec y aurait plus recours que les autres provinces, 25,6 % des recettes propres à l'État québécois provenant, par exemple, des droits de scolarité, des frais d'obtention de documents officiels ou des frais d'utilisation des chambres privées dans les hôpitaux, mais aussi de programmes dont l'approche s'apparente à la tarification, comme l'assurance-emploi ou le régime des rentes du Québec.
En comparaison, la moyenne dans l'ensemble des provinces canadiennes serait de 21,6 %, alors que le fédéral ne serait qu'à 12,2 %, notamment parce qu'il offre moins de services directement aux citoyens. La chose serait un peu plus courante aux États-Unis qu'au Québec, et plus fréquente dans une proportion d'environ 50 % dans les pays développés européens, estime Gilles Larin.
Nombreux avantages
Un recours plus fréquent à la tarification, ne serait-ce que pour couvrir une partie des coûts des services publics, comporterait de nombreux avantages, pensent les deux auteurs. Il amènerait non seulement les citoyens à faire plus attention à leur utilisation de ces services, mais aussi le gouvernement «à mieux connaître tous ses coûts et à s'efforcer de les réduire afin d'obtenir le meilleur prix possible». En liant le bénéfice au paiement, ce mécanisme réduirait la tentation de l'évasion fiscale. Il devrait, également, favoriser un meilleur amarrage entre les besoins et les services offerts.
Cela vient avec des inconvénients aussi, admettent les fiscalistes. Le plus important est sans doute de ne pas tenir compte des différences de revenus des ménages et de réduire l'accès aux services aux citoyens les moins fortunés. La façon de remédier à ce problème est de prévoir des mécanismes d'ajustement venant compenser cet effet régressif, comme on l'avait fait au moment de la mise en place de la TPS et de la TVQ, mais comme on le fait aussi déjà dans le cadre de l'assurance médicaments du Québec ou encore avec les étudiants et les personnes âgées pour les transports en commun.
Les récents sondages tendent à indiquer que «la population se résigne de plus en plus au fait que la tarification prenne de plus en plus de place dans leur vie quotidienne», dit Gilles Larin. Mais pour accepter cela, elle exigera de ses gouvernements qu'ils fassent preuve de beaucoup plus de transparence en la matière, pense-t-il. Il faudra aussi qu'on mette en place les structures nécessaires pour empêcher que les recettes de cette tarification puissent aller à autre chose qu'aux services pour lesquels on a payé.