Citigroup se renfloue en Asie

New York — Victimes de la crise des crédits immobiliers, la banque américaine Citigroup, lourdement déficitaire au quatrième trimestre, et sa rivale Merrill Lynch, qui risque aussi d'annoncer des pertes colossales demain, ont à nouveau dû se faire renflouer par des investisseurs venus d'Asie.
Citigroup, la première banque américaine par les actifs, a perdu près de 10 milliards $US au quatrième trimestre, sa première perte depuis sa création en 1998 par la fusion de Citicorp et du Traveler's Group de la famille Weill.Principale raison: la banque a dû dévaluer son portefeuille d'actifs de 18,1 milliards $US pour refléter la perte de valeurs des crédits hypothécaires accordés à des ménages incapables de rembourser.
Des pertes deux fois plus importantes que celles attendues par les marchés, qui ont fait encore chuter son action en Bourse hier et poussé l'agence de notation Standard and Poor's à abaisser sa notation. Plus inquiétant encore, les pertes de Citigroup ont été aussi creusées par une hausse de 3,3 milliards des provisions pour créances douteuses passées sur des prêts à la consommation, où les défauts de paiement augmentent.
Pour atténuer l'impact de ces pertes, Citigroup a aussitôt annoncé avoir obtenu pour 12,5 milliards d'argent frais, en vendant des actions à un groupe d'investisseurs, pour la plupart étrangers, à l'occasion d'un placement privé.
En tête le fonds du gouvernement de Singapour qui a apporté 6,88 milliards et acquis ainsi près de 4 % de son capital. Ce même fonds avait déjà renfloué la banque suisse UBS à hauteur de 10 milliards $US en décembre. Les autres importants pourvoyeurs de liquidités sont le fonds souverain du Koweit (Kuwait Investment Authority) et le prince saoudien Al-Walid bin Talal, déjà premier investisseur individuel de la banque. Figurent aussi la division d'investissement du New Jersey, les fonds d'investissement Capital Research Global Investors, Capital World Investors, ainsi que l'ancien p.-d.g. Sanford Weill et sa famille, qui marque sa confiance dans le nouveau p.-d.g. Vikram Pandit, arrivé en décembre.
Citigroup a enfin complété son refinancement en annonçant une émission d'actions en Bourse d'un montant de deux milliards $US.
C'est le second plan de renflouement de Citigroup en trois mois: fin novembre, la banque avait déjà obtenu 7,5 milliards du fonds de l'émirat d'Abou Dhabi, qui avait pris ainsi 4,9 % de son capital.
Pour réduire ses coûts, la banque a par ailleurs décidé de réduire de 40 % son dividende trimestriel, à 32 ¢US, de vendre quelques actifs, et de durcir encore ses conditions d'octroi de crédits. Elle a également réduit ses effectifs de 4200 personnes au quatrième trimestre, sur un total de 320 000 salariés.
Merrill Lynch
De son côté Merrill Lynch, qui publie ses résultats demain avec des pertes attendues de plusieurs milliards, a pris les devants: elle a annoncé hier une injection d'argent frais de 6,6 milliards $US, fournis par les fonds sud-coréen Korean Investment Corporation et koweïtien Kuwait Investment Authority, ainsi que par la banque japonaise Mizuho.
Pour Merrill Lynch, il s'agit aussi d'un second round de refinancement. En décembre déjà, la banque s'était fait renflouer par un fonds de Singapour, Temasek, à hauteur de cinq milliards $US, et par le gestionnaire américain de fonds de placement Davis, pour 1,2 milliard $US.
Ces divers plans n'ont pas empêché les titres des deux grandes banques de dégringoler hier: en après-midi, Citigroup perdait 6,5 %, et Merrill Lynch, 3%. Depuis octobre, l'action Citigroup a perdu plus de 40 %.
Les actionnaires de Citigroup commencent à d'ailleurs protester: hier, le CtW Investment Group, qui conseille de grosses caisses de retraite, a demandé aux cinq administrateurs de Citigroup de s'expliquer.