Québec aux portes du plein emploi

La pénurie de main-d'oeuvre prend un tour bien concret ces jours-ci dans la région de Québec. «Les commerçants voient venir les fêtes du 400e anniversaire de Québec l'année prochaine et ils s'arrachent les cheveux. Plusieurs se demandent comment ils vont faire pour trouver les employés dont ils auront besoin», dit Daniel A. Denis, président de la Chambre de commerce de Québec.

Selon plusieurs observateurs, les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches nous donnent un bon aperçu de ce qu'aura l'air l'ensemble du Québec dans quelques années au chapitre des besoins en main-d'oeuvre. Une solide croissance économique, un taux de natalité aussi faible qu'ailleurs, ainsi qu'une certaine difficulté à attirer des immigrants sont au nombre des facteurs qui ont d'ores et déjà amené ces régions aux portes du plein emploi.

Le taux de chômage n'aura été en moyenne cette année que de 5,3 % dans la région de la Capitale-Nationale et de 5,1 % dans la grande région de Québec, comparativement à 7,2 % dans l'ensemble du Québec, disent les spécialistes du Mouvement Desjardins. Dès l'an prochain, il ne devrait plus être que de 4,9 % en moyenne dans la grande région de Québec

«Ce n'est que la pointe de l'iceberg, dit Daniel A. Denis. On s'attend à devoir combler entre 60 000 et 70 000 emplois d'ici six à huit ans. On commence à entendre des histoires d'entreprises qui refusent des contrats faute de main-d'oeuvre. Les bureaux font du maraudage entre eux.»

«Pour le moment, je parlerais plus de rareté que de véritable pénurie», précise Louis Gagnon, économiste au Mouvement Desjardins. Le phénomène affecte tous les secteurs de l'économie, aussi bien celui des entreprises de pointe dans le parc technologique que celui du commerce au détail et des services. On s'arrache particulièrement la main-d'oeuvre qualifiée, qu'il soit question d'ingénieurs en photonique ou simplement de serveurs de restaurant bilingues.

À terme, Louis Gagnon craint que l'important secteur de la fonction publique soit l'un des plus affectés par le problème. «Les conditions de travail sont aujourd'hui équivalentes, sinon supérieures, dans le secteur privé. J'ai peur que désormais les travailleurs le moindrement qualifiés ne préfèrent toujours y aller.»

De nombreuses initiatives ont déjà été lancées dans la région pour s'attaquer au problème. Les entreprises du secteur de l'assurance, qui compte de nombreux sièges sociaux dans la capitale, ont mis sur pied des cours avec l'Université Laval pour s'assurer une relève. Une association de gens d'affaires a commencé une tournée dans les commissions scolaires pour promouvoir les carrières professionnelles et techniques. Les chefs d'entreprise s'ouvrent à l'idée de favoriser la conciliation retraite-travail pour garder un peu plus longtemps leurs employés plus âgés.

On ne perd pas non plus espoir d'attirer et de savoir garder dans la région plus de travailleurs immigrants, dit Daniel A. Denis. Pour le moment, on n'en accueille que 2000 en moyenne par année, dont 200 repartent presque aussitôt à cause de la difficulté de trouver un emploi correspondant à leur niveau de formation. «On pourrait facilement en avoir 3000 par année», remarque le président de la Chambre de commerce.

En attendant, on continue de compter sur les «immigrants» arrivant du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Bas-Saint-Laurent ou encore de la Côte-Nord. On s'apprête également à dévoiler une stratégie visant à ramener à Québec les travailleurs québécois et autres francophones partis tenter leur chance ailleurs au Canada ou aux États-Unis. «On ne doit rien négliger», dit Daniel A. Denis.

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