Wal-Mart: pas de primes pour les employés de Saint-Hyacinthe
Habitués à recevoir une prime liée au rendement de leur magasin, les employés du Wal-Mart de Saint-Hyacinthe affirment n'avoir rien reçu pour l'année 2005 car leur syndicalisation, se sont-ils fait dire par la direction, a entraîné des frais juridiques élevés pour la succursale.
Selon des informations obtenues par Le Devoir, un employé à temps plein du magasin de Saint-Hyacinthe, la seule succursale syndiquée en Amérique du Nord, a touché des sommes qui sont graduellement passées de 200 $ à 880 $ entre 1999 et 2004. La syndicalisation est survenue en janvier 2005. En mars 2006, lorsqu'est venu le temps de distribuer les primes pour l'année 2005, les employés ont appris qu'il n'y en aurait pas.«Pour nous, c'est clair que la présence du syndicat est la cause de ça», a affirmé Yvon Bellemare, président de la section locale 501 des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC-FTQ). «Cette année, s'il n'y a pas de bonis, on va envisager des griefs pour discrimination et non-respect de l'article 59 du Code du travail. Ce n'est peut-être pas le meilleur magasin en matière de rentabilité, mais quand il y a des bonis de plus de 800 $, on peut soupçonner qu'il a atteint une certaine maturité au chapitre des ventes.»
Malgré de multiples tentatives, il a été impossible hier de joindre la direction des communications de Wal-Mart Canada, et ce, pour des raisons qui semblaient hors de son contrôle. La multinationale, cependant, ne commente jamais la régie interne de ses magasins où se déroulent des négociations de convention collective et ne dévoile pas les objectifs de rentabilité de chacune de ses succursales.
En gros, l'article 59 du Code du travail du Québec stipule qu'à compter du dépôt d'une requête en accréditation, «un employeur ne doit pas modifier les conditions de travail de ses salariés sans le consentement écrit de chaque association requérante et, le cas échéant, de l'association accréditée». Les TUAC estiment qu'une prime fait partie des conditions de travail telles que définies à cet article.
Sans avoir d'indication précise à propos de ce que fera la succursale en mars prochain, M. Bellemare a affirmé être «à peu près certain» qu'il n'y aura pas de primes pour 2006. «Ça n'a rien à voir avec la rentabilité du magasin, c'est ce qu'on va tenter de démontrer.»
Bien qu'ils soient syndiqués depuis janvier 2005, les quelque 200 employés de la succursale de Saint-Hyacinthe n'ont pas encore de convention collective. Les négociations ont progressé jusqu'à ce que les pourparlers abordent les questions d'ordre financier, par exemple les salaires et les avantages sociaux. Environ 90 % de la convention est déjà réglée.
La relation entre les TUAC et Wal-Mart n'est pas très bonne, comme peut en témoigner la multiplication des procédures juridiques d'un côté comme de l'autre au fil des ans, notamment avec le cas de Jonquière, où Wal-Mart a fermé son magasin en 2005. Les TUAC accusent généralement la chaîne d'être antisyndicale alors que Wal-Mart reproche aux syndicats, et pas seulement ceux au Québec, de se livrer à des campagnes de salissage gratuit.
L'impasse dans les négociations à Saint-Hyacinthe a fait en sorte que la cause est maintenant devant un arbitre nommé par le ministère du Travail, Alain Corriveau. Deux séances ont eu lieu devant lui jusqu'à présent. La prochaine séance est prévue en avril. L'arrivée d'un arbitre dans une négociation de convention collective représente une étape cruciale car celui-ci détient le pouvoir d'imposer unilatéralement un contrat de travail.
En gros, le syndicat souhaite que les salaires rejoignent ceux qu'on retrouve chez une des chaînes qu'il estime être une concurrente de Wal-Mart, soit Maxi et Cie. De son côté, Wal-Mart estime que son concurrent est plutôt Zellers.
Autre allégation d'incident
Ce n'est que tout récemment que Le Devoir a appris l'absence de primes pour l'année 2005 à Saint-Hyacinthe. Or l'incident ne serait pas le seul de ce genre à avoir fait des vagues chez Wal-Mart. Un recruteur syndical des TUAC a affirmé hier que la direction du magasin de Brossard avait accusé un certain retard dans l'octroi des primes au printemps 2005, et ce, alors que les employés attendaient une décision de la Commission des relations de travail les conviant aux urnes pour un vote secret sur leur syndicalisation.
Les bonis étaient généralement remis en février ou en mars, a affirmé ce recruteur syndical hier. En mars 2005, voyant que les primes tardaient à venir, il avait alors jugé la situation à ce point préoccupante qu'il avait déposé un grief.
Peu de temps après, les employés avaient appris de la Commission des relations de travail qu'ils devaient voter sur leur syndicalisation. Sur ces entrefaites, la direction du magasin a annoncé qu'elle remettrait des primes, ce qui rapprochait ainsi la remise des bonis et la tenue du vote. «Habituellement, les employés recevaient leur prime dans une petite boîte. Or, cette fois-là, la direction du magasin voulait rencontrer chacun d'entre eux personnellement», a dit le recruteur.
Le magasin de Brossard n'est pas syndiqué. Le vote tenu le 1er avril 2005 s'est soldé par un refus massif: 149 personnes avaient voté contre alors que 51 avaient appuyé la syndicalisation.
Un seul autre établissement de Wal-Mart est syndiqué au Québec. Il ne s'agit pas d'un magasin mais de l'atelier mécanique rattaché à la succursale de Gatineau.