Congrès de l'UPA - L'agriculture et l'environnement font un pas vers la paix

Québec — «Cette annonce est un puissant symbole que le temps des chicanes entre l'agriculture et l'environnement est fini», a déclaré Claude Béchard, ministre du Développement durable et de l'Environnement, devant 400 producteurs agricoles qui ont spontanément exprimé leur satisfaction d'entendre un tel discours. Après tout, cette très rare visite d'un ministre de l'Environnement au congrès de l'UPA revêtait l'importance d'un événement historique, presque comparable à l'entrée du pape dans une mosquée.
M. Béchard s'est présenté au congrès de l'Union des producteurs agricoles pour annoncer un plan d'action concertée sur l'agroenvironnement et la cohabitation harmonieuse pour la période de 2007 à 2010. Ce plan est le fruit d'une collaboration exceptionnelle entre son ministère et celui de l'Agriculture, ainsi qu'avec l'UPA. Une somme de 10 millions est injectée pour la réalisation de ce plan, dont 6,9 millions venant du gouvernement et 3,1 millions des producteurs agricoles. «Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de problèmes dans certains cas, mais ce qu'il est important de retenir, c'est que c'est un changement de ton, une question d'attitude. Cela est plus mobilisateur que tout plan», a poursuivi M. Béchard, avant d'expliquer qu'il favorisait «une approche réglementaire pratique, applicable et sans surprise». En conférence de presse, il ajoutait qu'il s'agissait d'injecter de la prévisibilité dans la réglementation, de manière à ne pas obliger les producteurs à remettre en question leur plan d'affaires, comme cela a plus d'une fois été le cas jusqu'à maintenant avec l'ajout successif de plusieurs règlements environnementaux. Le ministre ajoutait par ailleurs que les producteurs, pas plus que le grand public, ne devaient déduire que ce plan signifiait un adoucissement de la réglementation ou encore un moratoire sur la réglementation.Selon lui, cette nouvelle approche devrait entraîner des conséquences positives. Cela est certainement le cas du côté de l'UPA. «Cette annonce est le meilleur traitement contre la détresse psychologique», a lancé son président, Laurent Pellerin. Depuis un certain nombre d'années, les agriculteurs ont souvent fort mal réagi aux accusations de pollueurs qui étaient lancées contre eux. Outre l'attitude de M. Béchard, qui s'est d'ailleurs présenté comme un fils d'agriculteur, l'UPA peut compter sur l'appui solide d'Yvon Vallières, l'actuel ministre de l'Agriculture, qui n'hésite pas à présenter les producteurs agricoles comme «des agents de développement durable» et à dire qu'il faut «redonner à l'agriculture ses lettres de noblesse».
Quoi qu'il en soit, ce plan propose la réalisation d'interventions de terrain à l'échelle de petits bassins versants où les agriculteurs sont au coeur de l'action avec les acteurs du milieu. Il s'articule autour de cinq enjeux prioritaires: l'amélioration de la qualité de l'eau, qui retiendra en fait la moitié du budget de 10 millions; la cohabitation harmonieuse; la biodiversité; les changements climatiques; et enfin, l'efficacité énergétique, ainsi que la réduction et la rationalisation de l'usage des pesticides. Les deux ministères et l'UPA collaboraient à la préparation de ce plan depuis plusieurs mois.
Pour sa part, M. Vallières, qui en était à sa première présence au congrès de l'UPA depuis son entrée dans le cabinet Charest, n'a pas caché avoir été celui qui avait convaincu le premier ministre de créer une commission indépendante sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il a mentionné que la commission avait pour mandat de faire un bilan, d'aller au fond des choses et de susciter un large débat social afin de dégager des pistes de solution pour l'avenir. «Mais plus encore, ajoutait-il, cet exercice devrait également être un outil pédagogique et de sensibilisation auprès de la population afin de faire comprendre à celle-ci les tenants et aboutissants de votre secteur au Québec. La commission représente un vaste chantier pour bâtir l'avenir.»
Après avoir invité chaleureusement tous les producteurs à participer à cet exercice, il a tout de même fait une mise en garde: «Quant à ceux qui pourraient croire que les dés sont pipés, j'aimerais leur mentionner qu'ils se trompent: la commission constitue un exercice ouvert de consultation et de réflexion.» Et cela pour l'ensemble des intervenants de la société, étant donné que l'un des objectifs recherchés est d'obtenir une accessibilité sociale du développement agroalimentaire. Le ministre a du reste ajouté que «plus rien n'est acquis en agriculture et [qu']il faut tous se sentir concernés et s'approprier les différents enjeux sur une base constructive, honnête et franche».
M. Vallières, dans un long discours, a aussi abordé pratiquement tous les dossiers problématiques actuels des agriculteurs, dont un certain nombre qui sont de responsabilité fédérale. À l'UPA, qui demande depuis quelques jours au gouvernement québécois de se joindre à elle pour faire davantage pression sur le gouvernement fédéral, M. Vallières a carrément pris position pour l'UPA en priant ses membres de ne pas manquer aujourd'hui de transmettre haut et fort leurs messages au ministre de l'Agriculture canadien, qui doit se présenter devant les congressistes. À propos du cas dramatique des producteurs de pommes de terre de Saint-Amable, le ministre a même lancé cette phrase: «Que le gouvernement fédéral mette ses culottes.»