La Banque du Canada reste immobile
La Banque du Canada ne s'inquiète pas outre mesure du manque de vigueur de l'économie et a laissé inchangé hier pour une quatrième fois consécutive son taux directeur à 4,25 %.
Prévue par tous les observateurs, la décision de la banque centrale n'a provoqué aucune réaction notable de la part des marchés. Elle prolonge ainsi une pause commencée en juillet au terme d'une longue période de resserrement monétaire marquée par sept hausses consécutives de 25 points de base chacune.La Banque du Canada a admis d'emblée, dans un bref communiqué explicatif, que la croissance pour les trois derniers mois de l'année risquait fort d'être «légèrement plus faible qu'on ne l'avait d'abord escompté». Elle s'est quand même dite persuadée de voir se réaliser ses projections en matière de croissance économique et d'inflation pour 2007 et 2008 telles que révisées au mois d'octobre.«L'expansion à l'échelle mondiale est vigoureuse, les cours des matières premières restent élevés et la progression de l'emploi au Canada et aux États-Unis est soutenue», a-t-elle affirmé. L'inflation, telle que mesurée par l'indice des prix à la consommation (à 0,9 % en octobre) et l'indice de référence de la banque (2,3 %), reviendra au taux cible de 2 % durant la seconde moitié de 2007, a-t-elle prédit. À moins, bien sûr, que les ménages ne consomment plus que prévu et que le prix des logements s'enflamme de nouveau, aggravant les risques d'inflation, ou, au contraire, que la déprime de l'économie américaine soit plus grande que ce qui est attendu et plombe les exportations et l'économie canadienne tout entière.
Les analystes rompus à l'exégèse des communiqués laconiques de la banque n'ont pas manqué de remarquer que l'on a cessé hier d'y faire mention d'une économie canadienne qui tournerait au-dessus de sa capacité ou encore d'un dollar canadien en perte de vitesse. Ces experts en concluent que l'institution, dirigée par le gouverneur David Dodge, passe lentement d'un préjugé favorable à de nouvelles hausses des taux à un préjugé favorable à un assouplissement. «Globalement, nous nous retrouvons devant un autre communiqué dans lequel la Banque du Canada dit qu'elle ne voit aucun intérêt à faire quoi que ce soit dans un proche avenir», a conclu David Wolf de Merrill Lynch.
Deux petites hausses et puis s'en va
Au mois d'octobre, la Banque du Canada a révisé à la baisse ses projections de croissance annuelle de 3,2 % à 2,8 % pour 2006, et de 2,9 % à 2,5 % pour 2007. Tout indique, selon les économistes du Groupe financier TD, que l'on ratera la cible en 2006, la croissance au troisième trimestre n'ayant été que de 1,7 % et celle au quatrième trimestre ayant peu de chances de passer le cap des 2 %.
Qui plus est, ces statistiques générales cachent de grands déséquilibres entre les régions, ont rappelé les économistes François Dupuis et Benoit P. Durocher, du Mouvement Desjardins; l'Ouest continue de surfer sur les prix élevés du pétrole pendant que les manufacturiers exportateurs du Québec et de l'Ontario continuent de traîner le boulet d'un dollar canadien fort. Pour ceux qui craindraient encore l'inflation, ont-ils dit, il est bon de noter que le marché immobilier albertain commence à donner des signes d'essoufflement.
«Malgré l'affaiblissement de l'économie, la banque attend plus de preuves avant de modifier ses vues sur le niveau de risques d'inflation», a expliqué David Tulk, économiste au Groupe financier TD.
En fin de compte, il y a peu de chances que la Banque du Canada change quoi que ce soit au loyer de l'argent en 2007, a estimé Sal Guatieri, économiste principal à BMO Groupe financier.
Les économistes Stéphane Marion et Paul-André Pinsonnault, de la Financière Banque Nationale, se disent, au contraire, confortés dans leur impression qu'une première baisse de taux viendra au mois de mars. Cette diminution des taux d'intérêt en 2007 sera plus faible que celles que l'on attend de la part de la Réserve fédérale américaine, a précisé David Wolf, de Merrill Lynch, entre autres parce que la Banque du Canada devrait aussi pouvoir compter sur de nouveaux allégements du fardeau fiscal de la part des gouvernements et peut-être même sur un léger recul du dollar canadien.
David Tulk a dit s'attendre, tout au plus, à deux baisses de 25 points de base, chacune dans la première moitié de l'année. «Il est important de noter que ces baisses relativement modestes ne seront pas le début d'une nouvelle campagne d'assouplissement des conditions monétaires, a-t-il expliqué. Elles correspondront plutôt à un désir de la banque de se donner une police d'assurance contre les risques de faible croissance. En fait, on s'attend à ce que les économies américaine et canadienne reprennent de la vigueur dès la seconde moitié de 2007.»
La prochaine fixation du taux cible du financement à un jour de la Banque du Canada est prévue le 16 janvier 2007.