Congrès annuel de l'Union des producteurs agricoles - Réfléchir aux prochains défis des agriculteurs

Selon Laurent Pellerin, ce congrès sera l’occasion pour les consommateurs, distributeurs, transformateurs et producteurs de partager leurs attentes, leurs préoccupations et leurs contraintes.
Photo: Selon Laurent Pellerin, ce congrès sera l’occasion pour les consommateurs, distributeurs, transformateurs et producteurs de partager leurs attentes, leurs préoccupations et leurs contraintes.

«Le goût d'en vivre», tel est le thème du 82e congrès annuel de l'Union des producteurs agricoles (UPA) qui s'amorce demain à Québec. Ce thème, précise-t-on en annonçant l'événement, veut exprimer l'attachement des producteurs à leur profession, mais il est aussi un appel aux gouvernements et aux concitoyens «afin de convenir ensemble d'une vision commune et d'actions concrètes». Dans le contexte actuel cette courte phrase contient un vaste programme et des défis énormes qui feront sans doute l'objet de longs débats dans les mois à venir.

D'abord, il y aura bientôt au Québec une Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire qui parcourra toutes les régions pour entendre, consulter et porter «un diagnostic complet de l'avenir du secteur». L'UPA, ses 41 fédérations régionales et spécialisées, entendent participer activement à cette démarche. Le congrès général est une étape dans la préparation des propositions et du programme qui seront présentés aux membres de cette commission. Laurent Pellerin, président de l'UPA, résume en trois mots les thèmes sur lesquels se concentreront les producteurs: avenir, mondialisation et environnement.

Il n'est pas question de ressasser le passé, précise M. Pellerin. Ce sera l'occasion, pense-t-il, pour les consommateurs, distributeurs, transformateurs et producteurs de partager leurs attentes, leurs préoccupations et leurs contraintes. «Au terme de cet examen, souhaitons que nous parviendrons à définir ensemble l'agriculture que nous voulons transmettre à nos enfants et qui en plus de nourrir sainement les Québécois s'avérera un des moteurs économiques des régions tout en rémunérant équitablement ceux qui ont fait le choix d'en vivre.» L'UPA qui a ramé péniblement contre de forts courants écologistes et de vives frictions dans plusieurs régions semi-urbaines depuis une dizaine d'années mesure sans doute les obstacles qui lui restent à franchir avant d'en arriver à une cohabitation harmonieuse partout sur le territoire.

Par ailleurs, autant l'UPA a-t-elle souhaité la mise sur pied de cette commission, autant se montre-t-elle «inquiète» devant la publication à Ottawa d'un document de travail et de réflexion sur ce que devrait être la prochaine politique agricole et agroalimentaire fédérale. L'entente actuelle de cinq ans prendra fin le 31 mars 2008. En novembre dernier, le gouvernement canadien a proposé aux provinces une période de consultations qui devraient commencer bientôt. Pour sa M. Pellerin devient inquiet lorsqu'il entend des ministres fédéraux affirmer qu'il n'y a pas de problème de revenus chez les agriculteurs québécois. En outre, il semble que le gouvernement central qui participe à des programmes d'aide en cas de crise dans une proportion de 90 % voudrait ramener sa participation à 60 %. Il est d'ores et déjà évident que le gouvernement provincial n'a pas les ressources pour combler la différence. M. Pellerin pense que cette intention fédérale serait une mesure préventive pour éviter les situations de crise, genre grippe aviaire, qui pourraient lui coûter des milliards. «Le gouvernement voit venir de grands risques. Je ne pense pas qu'on en arrivera à une entente», craint le président de l'UPA.

Les critiques à l'égard du gouvernement canadien ne s'arrêtent pas là. L'UPA lui reproche de laisser tomber les producteurs en ne leur accordant pas le même niveau d'appui financier que ne le font les Américains et les Européens. «Le support gouvernemental est à 50 % de celui des États-Unis», affirme son président. Pour tout le Canada, le revenu net des producteurs a fléchi de 14,2 % en 2005, confirmait Statistique Canada récemment. Or, la chute se poursuit en 2006. Le revenu net au Québec qui est passé de 716 millions en 2004 à 666 millions en 2005, tombera cette année à 500 millions, avance M. Pellerin. En Ontario, la situation est encore pire, il y aura cette année un déficit de 250 millions sur un chiffre d'affaires de neuf milliards, en comparaison de revenus de six milliards au Québec. En somme, «un farm bill canadien» serait nécessaire pour faire contrepoids à celui du pays voisin.

Et ce n'est pas tout, l'UPA considère que les agriculteurs québécois n'ont pas leur juste part de l'aide fédérale. Elle rappelle que l'agriculture québécoise contribue à près de 20 % de l'agriculture canadienne; lorsqu'on retire les productions contigentées, il reste 12 % de la production qui aurait droit à l'aide fédérale. Or, la part du Québec n'est que de 6,8 % dans les programmes concernés, à savoir les paiements aux producteurs de céréales et oléagineux, l'aide versée en vertu du programme de stabilisation du revenu agricole et le programme optionnel pour les familles agricoles. L'écart dans les paiements représente une perte de 225 millions pour le Québec, avance l'UPA.

Plutôt sceptique quant aux intentions profondes du gouvernement canadien à l'égard de la Commission canadienne du blé dans l'ouest et de la gestion de l'offre dans l'est, l'UPA garde un oeil attentif sur l'OMC et son directeur général qui en douce chercherait à remettre son projet agricole sur le chemin de la négociation.

Cela donne finalement plusieurs dossiers majeurs à mener de front, mais il y en a d'autres également plus immédiats qui retiennent beaucoup d'attention, comme la crise dans l'industrie porcine, aussi bien du côté des producteurs que des abattoirs. À ce sujet, M. Pellerin assure que si les transformateurs ont besoin d'un partenariat avec les producteurs, ceux-ci vont certainement considérer cette option, à l'instar de ce qui a été fait dans le secteur bovin avec l'acquisition par eux de deux abattoirs. Il y a aussi une crise dans les céréales que les producteurs ne parviennent pas à surmonter, alors qu'en même temps il y a un courant à Ottawa qui voudrait plutôt favoriser l'abandon de cette production pour la raison qu'elle serait insuffisamment concurrentielle. Enfin, les délégués au congrès de l'UPA vont certainement tout faire pour donner un coup de pouce au petit groupe de producteurs de Saint-Amable sur qui est tombé le fléau du nématode doré.

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