Portrait - L'incontournable Complexe

Daniel Bigras, président et chef de la direction de Place Desjardins inc.
Photo: Daniel Bigras, président et chef de la direction de Place Desjardins inc.

Chaque mois de décembre, le Complexe Desjardins devient un carrefour extrêmement animé et fréquenté par des enfants conduits par leurs parents pour venir voir le vrai père Noël. La période des Fêtes est la plus importante de l'année pour le complexe et les 110 boutiques, restaurants et comptoirs qui s'y trouvent. Cet ensemble immobilier célèbre cette année son 30e anniversaire et n'a aucunement vieilli avec le temps. En plus de loger dans ses trois tours 10 000 travailleurs et d'accueillir chaque jour 37 000 visiteurs, il présente sur sa grande place 200 activités par année et se propose d'en offrir 230 en 2007.

Daniel Bigras, président et chef de la direction de Place Desjardins inc., mentionne que les ventes commerciales ont augmenté de 41 % depuis 1999, soit le double de la croissance obtenue dans l'ensemble de l'industrie. Sur le plan locatif, le Complexe Desjardins est le plus important immeuble à Montréal avec une superficie de 2,4 millions de pieds carrés dans ses trois tours de 27, 32 et 40 étages, dépassant ainsi la Place Ville-Marie par 700 000 pieds carrés. Son ratio de ventes au pied carré le place au second rang à Montréal dans la catégorie des édifices de catégorie A.

Bref, le défi que s'étaient donné ceux qui ont eu l'idée, dans la décennie 1960, d'ériger un important immeuble hors du centre-ville, lequel se trouvait alors plus à l'ouest, autour des grands magasins Eaton, Simpson's, etc., a été relevé. Comme l'économie montréalaise était encore largement dominée par la communauté d'affaires anglophone, la communauté francophone, avec le maire Jean Drapeau en tête, voulait créer plus à l'est un pôle de développement. En 1964, après des décennies d'attente, apparaissait la Place des Arts. Vers la fin des années 1960, un projet conjoint de Desjardins et du gouvernement du Québec a pris forme en vue de la construction d'un complexe juste en face de la Place des Arts; la construction dura quatre ans et l'inauguration eut lieu en avril 1976. Il s'agissait d'un investissement de 210 millions, avec une participation de 51 % du Mouvement Desjardins et de 49 % du gouvernement québécois. M. Drapeau, très impressionné par l'urbanisme parisien, avait convaincu les promoteurs de mettre deux grandes entrées vitrées dans l'axe nord-sud pour qu'il soit possible de voir la basilique Notre-Dame depuis la Place des Arts. Malheureusement, cette ouverture a disparu en 1984 avec la construction dans le même axe du Complexe Guy-Favreau, un investissement du gouvernement canadien.

Quoi qu'il en soit, les investissements dans le Complexe Desjardins ont été un bon placement. Dans les années 1960, le Mouvement Desjardins n'avait pas une structure intégrée comme c'est maintenant le cas, de telle sorte que ce sont diverses composantes, dont l'union des caisses populaires de Montréal, la société de fiducie et quelques compagnies d'assurances, qui ont fourni les sommes nécessaires.

Le gouvernement québécois a voulu vendre sa participation en 1992, qui fut acquise par les 143 caisses locales de la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec, qui se retrouvaient avec une part de 90,1 % dans le complexe, le reste appartenant à la compagnie d'assurance vie, devenue depuis Desjardins Sécurité financière (DSF).

Il y a une semaine, les 143 caisses concernées ont accepté massivement (98,4 %) de vendre leur participation dans le Complexe Desjardins, ce qui leur a donné un profit de 155 millions en plus de récupérer l'investissement initial de 55 millions fait en 1992 pour racheter la participation de 49 % du gouvernement. Le 1er janvier prochain, DSF deviendra donc le propriétaire à 100 %, ce qui veut dire que désormais le complexe appartiendra à toutes les caisses Desjardins du Québec, puisqu'elles ont toutes une participation dans DSF. Daniel Bigras, président et chef de la direction de Place Desjardins inc., explique qu'il était important que cet ensemble immobilier appartienne à toutes les caisses, puisqu'il a été construit pour être notamment le porte-étendard de ce mouvement coopératif dans la métropole et démontrer sa volonté d'y brasser des affaires, une orientation devenue très manifeste depuis la création en 2000 d'une fédération unique regroupant toutes les caisses, y compris celles de l'ancienne fédération régionale montréalaise.

Par ailleurs, DSF, en tant que compagnie d'assurance vie, a besoin de placements immobiliers de qualité. Ses actifs immobiliers actuels atteignent 372 millions; avec l'ajout du Complexe Desjardins, ils seront portés à 529,1 millions dans un mois. La transaction a été effectuée sur la base d'une valeur marchande de 477,5 millions. En outre, il ne faut pas oublier que cette valeur ne prend pas en compte l'hôtel qui fait partie du complexe, puisque cet actif a été vendu en 1998 pour une somme de 25 millions au groupe américain Wyndham, qui l'a revendu en 2003 à Hyatt. Selon l'évaluation municipale, la partie appartenant à Desjardins représente une valeur imposable de 470 millions et un fardeau en taxes municipales de 16 millions. Dans le cas de l'hôtel, qui comprend 600 chambres, la valeur imposable est de 50 millions.

En ce qui concerne Place Desjardins inc., qui jusqu'à maintenant était une filiale ayant son propre conseil d'administration, son avenir fait présentement l'objet d'une réflexion. «On va revoir la gouvernance», mentionne M. Bigras. Chez DSF, on précise que les 47 employés actuels de la Place Desjardins vont conserver leur emploi, en confirmant la réflexion en cours sur le statut futur de cette entité. Parmi les options, il y a celle de confier à l'équipe en place un mandat élargi de gestion immobilière pour mettre à profit l'expertise acquise en ce domaine depuis 30 ans. Pour sa part, M. Bigras, qui occupe sa fonction actuelle depuis 2002, avait été antérieurement conseiller juridique pour les caisses de la fédération de Montréal avant d'occuper diverses autres fonctions au sein du mouvement.

Au cours des 15 dernières années, des investissements de 65 millions ont été faits pour rénover le complexe, aussi bien dans des réaménagements de surface que dans les systèmes électro-mécaniques et le parc de stationnement comprenant 1100 places. «En voyant tous les appareils installés dans un tel complexe, les visiteurs ont l'impression de voir la salle des machines d'un immense paquebot», souligne M. Bigras. Celui-ci se montre particulièrement fier que le complexe ait obtenu en octobre dernier la certification «Visez vert», pour ses efforts en consommation d'énergie et d'eau potable, conformément à un programme mis sur pied par l'Association des propriétaires et administrateurs d'immeubles du Québec. Le complexe, qui est chauffé à l'électricité, possède une charge électrique totale de 30 000 kW, soit suffisamment d'électricité pour alimenter une ville de 20 000 habitants.

En 1997, la direction du complexe a décidé que le temps était venu de faire en sorte que le complexe ne soit plus replié sur lui-même mais ouvert sur la ville, d'où la décision de mettre des boutiques et des restaurants avec ouverture sur la rue Sainte-Catherine. Au cours des mois à venir, une ouverture semblable devrait être faite du côté du boulevard René-Lévesque, laissant place notamment à des restaurants de moyenne et de haute gamme. Par ailleurs, M. Bigras fait partie d'un petit groupe d'une vingtaine de membres du Quartier des spectacles. Plus particulièrement, il a, avec Marie Lavigne, directrice générale de la Place des Arts, soumis à la Ville de Montréal un projet de réaménagement de la rue Sainte-Catherine dans leur secteur commun, projet qui éliminerait le stationnement et ralentirait la circulation pour y permettre l'aménagement d'une belle place publique et d'un passage piétonnier de surface entre les deux édifices. En consultation avec le Musée d'art contemporain et les grands festivals (jazz, FrancoFolies... ), on y aménagerait de nouveaux lampadaires, y installerait en permanence les circuits électriques et les ancrages requis pour les spectacles publics des festivals. Tout cela représenterait un investissement de deux millions, qui seraient déboursés par la Ville, la Place des Arts et la Place Desjardins. Une étude a été préparée à cette fin par la firme d'urbanisme Cardinal Hardy.

Tout cela serait bien conforme à la mission que les fondateurs voulaient donner au complexe dès sa construction: en faire un lieu de vie communautaire animé. Ce fut toujours le cas avec la tenue de petits et grands événements, des expositions de toutes sortes, des salons d'autos, de vins, de fromages, des séances de dépistage de cancer, de nombreuses émissions de radio et, pendant 10 ans, entre 1975 et 1985, l'enregistrement de diverses émissions, notamment Les Coqueluches et Allo Boubou. Il y a eu aussi plusieurs téléthons, sans oublier le passage de nombreux groupes d'artistes amateurs et professionnels, de chorales. En somme, la grande place du Complexe Desjardins est devenue à Montréal un lieu de rassemblement familier et incontournable.

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