Bell deviendra une fiducie de revenu

Michael Sabia, le chef de la direction, a annoncé hier que BCE n’a plus sa raison d’être.
Photo: Michael Sabia, le chef de la direction, a annoncé hier que BCE n’a plus sa raison d’être.

Après avoir passé autant d'années à étendre ses tentacules pour ensuite oublier cette obsession de diversification, la société de portefeuille BCE va se saborder et transformera sa principale filiale, Bell Canada, en fiducie de revenu cotée en Bourse.

À peine un mois après que Telus a annoncé sa conversion en fiducie de revenu, le chef de la direction de BCE, Michael Sabia, a indiqué hier que BCE n'a plus sa raison d'être et qu'il est temps de se concentrer sur Bell Canada. La filiale sera la plus importante fiducie de revenu de la Bourse de Toronto.

L'élimination de BCE, fondée en 1983 mais grandement restructurée depuis 2002, marque la fin d'une époque dans le milieu des affaires canadien, a dit M. Sabia lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

«BCE avait été créée pour une autre époque avec des objectifs axés sur la diversification, plus précisément une diversification hors du champ d'activité de Bell», a dit M. Sabia. Mais la diversification n'a pas porté fruits et Bell est donc redevenue le point focal. «C'est le champ d'activité qu'on connaît, c'est celui auquel on va se consacrer.»

Les actionnaires de BCE devront se prononcer en janvier. Les nouvelles parts devraient se négocier au premier trimestre 2007, selon BCE. Les responsables syndicaux ont dit que la transformation, de leur point de vue, n'avait aucun impact.

Popularité en hausse

Alors qu'une société traditionnelle paie des impôts et verse des dividendes, une fiducie de revenu ne paie pas d'impôts. Les sommes qu'elle distribue aux porteurs de parts, cependant, sont plus élevées qu'un dividende et ce sont eux qui doivent payer des impôts.

L'an dernier, BCE a réalisé un chiffre d'affaires de 19 milliards de dollars et un bénéfice net de 2,1 milliards, une performance largement attribuable à Bell. Selon les états financiers de BCE en 2005, la compagnie faisait face à des impôts futurs de 746 millions.

Le jeu comptable des fiducies a des conséquences que les pourfendeurs des fiducies ne cessent de dénoncer. Ottawa avait indiqué que, pour l'année 2004, l'impact fiscal des fiducies avait représenté des pertes de recettes de 300 millions. D'autres croient qu'elle sont plus élevées.

L'ancien ministre des Finances, Ralph Goodale, avait tenté l'an dernier de trouver un moyen de limiter leur popularité. Bay Street craignait qu'il ne s'attaque aux gains que reçoivent les porteurs de parts. Il avait plutôt décidé de réduire l'imposition sur les dividendes provenant d'actions ordinaires. L'actuel ministre des Finances, Jim Flaherty, s'est limité à dire hier qu'Ottawa «se préoccupe de ça et surveille la situation».

Alors que BCE verse présentement un dividende annuel de 1,32 $, la distribution qui sera versée par Fonds de revenu Bell Canada atteindra 2,55 $ par part. Essentiellement, cette somme représente l'écart entre l'argent dégagé par les activités de la compagnie et les dépenses en immobilisation. Le ratio de distribution sera donc de 85 %. Telus n'a pas encore précisé son ratio mais devrait le faire en décembre.

Pas le choix

M. Sabia souhaitait attendre avant de transformer Bell en fiducie, une structure qui exige des profits stables. L'annonce de Telus a précipité les choses, a-t-il reconnu. Il estime cependant que Bell a suffisamment réduit ses coûts et qu'elle se sent confiante par rapport aux câblodistributeurs qui s'avancent en téléphonie résidentielle. Elle compte beaucoup sur ses services «de croissance», comme le sans-fil et la télévision par satellite.

M. Sabia espère que le ratio de 85 % sera assez élevé pour satisfaire les porteurs, mais qu'il permettra aussi de dégager les sommes nécessaires pour investir dans le développement de Bell et réduire son endettement.

Tous ne partagent pas cet enthousiasme. Standard & Poor's et Moody's ont abaissé hier leur appréciation de la cote de crédit de BCE. Parmi les raisons invoquées, elles ont estimé que BCE aurait plus de difficulté à améliorer sa position financière sous la nouvelle structure. Bien que Bell ait réussi à stabiliser ses activités, la concurrence demeure forte, a dit S&P.

Les marchés semblent avoir approuvé l'annonce. À la Bourse de Toronto, l'action de BCE a terminé en hausse de 4,3 %, à 32,92 $. Un des principaux reproches que les actionnaires font à M. Sabia concerne le cours de l'action, qui patauge entre 25 $ et 30 $ depuis 2002 en dépit des profits et de la restructuration.

Au fil des ans, BCE s'est départie de plusieurs actifs: Bell Canada International, sa participation dans le groupe informatique CGI, Bell Globemedia et Emergis. Quant à l'exploitant de services de satellite Telesat, il sera lancé en Bourse.

M. Sabia a indiqué qu'il resterait aux commandes de Bell Canada une fois la transformation complétée.

Par ailleurs, la fiducie de revenu Bell Aliant, qui regroupe les lignes téléphoniques en région, a indiqué hier qu'elle entend fermer le capital de Fonds de revenu Bell Nordiq, dont elle est propriétaire à 63,4 %. Bell Nordiq détient des participations dans Télébec et NorthernTel.

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