Une fuite en Alaska fait bondir le prix du brut

Photo: Agence Reuters

Un incident écologique vient compliquer un été déjà marqué par la crise au Moyen-Orient et la forte demande de pétrole. Le prix du baril de pétrole brut s'est en effet de nouveau envolé hier après que British Petroleum (BP) a fermé le plus important champ pétrolier américain, celui de Prudhoe Bay situé dans le nord de l'Alaska, pour s'attaquer à un «petit» déversement causé par l'état douteux de son pipeline.

Plusieurs sections d'un oléoduc de 30 kilomètres auraient souffert de corrosion, a déclaré BP en indiquant que la fuite — contrairement à son déversement gigantesque du mois de mars — était cette fois de quatre ou cinq barils, soit 630 à 800 litres. La fermeture du champ entraînera une réduction de la production de 400 000 barils par jour, soit 8 % des 4,9 millions de barils que produisent les États-Unis chaque jour.

Déjà nerveux et très spéculatifs, les marchés se sont une fois de plus emportés. Sur le Nymex, principale Bourse mondiale de matières premières à New York, le baril de light sweet crude s'est envolé jusqu'à 77,30 $US avant de battre en retraite pour terminer la journée à 76,98 $US.

Le gallon d'essence, lui aussi coté sur le Nymex et qui détermine en bonne partie ce que l'automobiliste québécois paie à la pompe, a terminé en hausse de 2 ¢ à 2,25 $.

Les prochaines heures diront si cette hausse se répercutera sur le prix de l'essence à la pompe. Le litre était déjà à la hausse depuis quelques jours à Montréal. Après avoir cogné aux portes du 1,20 $ le litre, l'essence à la pompe est passée sur l'île à 1,22 $, 1,24 $ puis 1,259 $ au cours des derniers jours. À Québec, le litre tournait autour de 1,21 $.

Deuxième déversement

«La fuite a été maîtrisée et le nettoyage est en cours», selon un communiqué de BP, qui exploite 30 kilomètres de pipelines à Prudhoe Bay, situé sur la mer de Beaufort. Environ 40 % des tuyaux ont été inspectés. «Nous regrettons qu'il soit nécessaire d'entreprendre ces mesures et nous présentons nos excuses au peuple américain et à l'État de l'Alaska pour l'impact négatif que cela causera», a poursuivi le président, Bob Malone.

M. Malone a affirmé que BP ne reprendrait l'exploitation du champ pétrolier Prudhoe Bay — détenu à 26 % par BP — qu'une fois que les agents gouvernementaux seraient convaincus que les pipelines peuvent être utilisées de «façon sécuritaire et sans risque pour l'environnement». Il ne pouvait donner d'échéancier.

La compagnie est déjà sous le coup d'une enquête des autorités américaines pour un déversement d'un million de litres de pétrole survenu en mars dans la même région. L'enquête porte en effet sur l'entretien des pipelines. La décision de fermer le champ pétrolier, a dit BP, a été prise à la vue des résultats de tests reçus vendredi dernier, qui montraient

16 anomalies à 12 endroits sur la pipeline du côté est du champ.

Première fois

«La corrosion d'un pipeline, c'est un nouvel argument. C'est la première fois que j'entends ça», a dit Frédéric Quintal, spécialiste de l'industrie pétrolière et auteur du livre Qui fait le plein? «Si on regarde le pipeline Sarnia-Montréal, il a été construit en 1975 sur une période de 12 mois, il est très adaptable, on a même changé la direction du débit en 1985. Il n'a jamais eu l'air d'avoir de problèmes.»

M. Quintal, qui trouve «spécial» qu'un arrêt survienne lors de la période la plus critique de l'année en raison du risque de tempêtes tropicales dans le golfe du Mexique, a noté que la quantité de barils de pétrole qui serait retirée du marché est considérable. «C'est essentiellement le volume dont l'OPEP se sert lorsqu'elle décide d'augmenter ou de réduire son débit.»

L'ampleur du retrait est un élément que plusieurs analystes ont retenu. «Dans un contexte d'approvisionnement déjà assez restreint, 400 000 barils par jour c'est beaucoup de brut retiré du marché», a dit Bruce Evers, analyste à la banque Investec.

«Le problème en Alaska ne pouvait pas intervenir à un pire moment pour le marché pétrolier», a renchéri Kevin Norrish, analyste à la banque Barclays. «Le fait que les stocks de brut aux États-Unis restent supérieurs d'environ 30 millions de barils à la normale apporte peu de réconfort étant donné l'incapacité de la chaîne d'approvisionnement mondial à faire face à toute perte majeure de production.» Si la fermeture de Prudhoe Bay se prolonge, les prix du pétrole «atteindront rapidement de nouveaux records», a estimé l'analyste.

Un avis partagé par Simon Wardell, analyste du groupe de recherche Global Insight, qui prédit «une nouvelle poussée vers 80 $US le baril», même s'il faut «des semaines et non des mois» pour effectuer les réparations de la fuite.

Hier, l'action de BP a dégringolé de 3 %, à 70,45 $US, à la Bourse de New York.

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Avec l'Agence France-Presse

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