Crise dans les télécommunications - Lucent va supprimer 10 000 autres emplois

Le groupe américain Lucent Technologies va encore supprimer 10 000 emplois, soit plus d'un cinquième de ses effectifs, en raison de la crise sans fin frappant le secteur des télécommunications.

D'ici la fin de septembre 2003, la fin de l'exercice du groupe de Murray Hill (New Jersey), qui a été l'une des étoiles au firmament des équipementiers de télécommunications, le nombre d'employés devrait être ramené à 35 000. À la fin de septembre, Lucent employait encore quelque 45 000 personnes et en occupait plus de 120 000 il y a deux ans.

Les faillites en série d'opérateurs de télécommunications et la réduction des dépenses de ceux qui survivent à la crise sans précédent qui touche le secteur ont frappé Lucent de plein fouet, tout comme ses rivaux, le canadien Nortel, le suédois Ericsson ou encore le français Alcatel.

Mais le groupe, dont l'action est toujours l'une des plus largement répandues parmi le public américain, a aussi commis des erreurs stratégiques, dès 2000, qui lui ont coûté très cher.

Patricia Russo, la p.-d.g. nommée après une valse de dirigeants, continue à affirmer que Lucent redeviendra rentable en 2003. «En dépit des défis sur ce marché, nous comptons revenir à la rentabilité lors de l'exercice 2003 et nous allons prendre des mesures de restructuration plus énergiques», a-t-elle promis dans un communiqué.

Le directeur financier, Frank d'Amelio, a également répété à plusieurs reprises que le groupe n'avait pas de problèmes de trésorerie, une manière de se montrer rassurant alors que certains analystes se demandent désormais ouvertement si Lucent peut survivre. «Lucent continue à avoir assez de liquidités pour financer ses opérations et son plan stratégique», a-t-il dit.

L'agence de notation financière Standard and Poor's ne s'est pas montrée très impressionnée par les déclarations de M. D'Amalio. Elle a abaissé encore d'un cran sa notation de la qualité de la dette, montrant par là que les doutes sur le remboursement des créances s'intensifient. Lucent «ne pourra encaisser une consommation d'argent à ce rythme», a jugé Bruce Hyman, analyste de Standard and Poor's.

Patrica Russo est restée assez vague sur sa stratégie pour sortir de la crise, en dehors des coupes sombres dans les effectifs. «Sur la base des conversations avec nos clients, nous concentrons nos investissements sur les occasions de marché qui vont les aider à étendre leurs réseaux existants et leur offrir des services de prochaine génération», a-t-elle dit.

En attendant, le chiffre d'affaires devrait baisser de 20 à 25 % sur les trois derniers mois de son exercice 2002 par rapport aux trois mois précédents pour n'atteindre que 2,95 milliards de dollars. Par comparaison, le groupe arrivait encore à engranger un chiffre d'affaires supérieur à neuf milliards de dollars au dernier trimestre de l'année 2000.

Lucent Technologies a également indiqué qu'il allait afficher une perte par action «beaucoup plus importante» au quatrième trimestre que les 45 ¢ qu'il prévoyait jusqu'à présent. Celle-ci, annoncée le 13 septembre, était déjà presque trois fois supérieure à ce qu'attendait Wall Street. La perte pourrait désormais atteindre les 65 ¢ l'action.

L'action Lucent hésitait hier entre la hausse et la baisse mais ne valait plus que 70 ¢, ce qui en tout et pour tout représente une valeur totale du groupe en Bourse de 2,4 milliards de dollars. Au plus haut en décembre 1999, le groupe Lucent valait en Bourse 285 milliards de dollars.

Caisse de retraite

Outre la suppression d'emplois, Lucent prévoit inscrire des charges de quatre milliards de dollars. Le groupe a annoncé la constitution d'une provision de trois milliards de dollars pour tenir compte de la dépréciation des actifs, en Bourse surtout, de son fonds de retraite, à laquelle s'ajoutera une charge de un milliard pour financer les dernières suppressions d'emplois. La société de Murray Hill a également décidé d'annuler une ligne de crédit de 1,5 milliard de dollars, sur laquelle elle n'a pas eu à tirer, afin de ne pas se trouver en situation de défaut technique.

«C'est une situation de crise», a commenté Tom Lauria, analyste de la société de recherche indépendante Avtera Management. «Je ne suis pas surpris par les nouvelles compressions d'effectifs, en revanche je suis surpris par la durée et la dureté de ce retournement sectoriel.»

Lucent a précisé que son encaisse se chiffrait à 4,4 milliards au 30 septembre, contre 5,4 milliards à la fin de juin. Elle pense avoir une trésorerie de plus de deux milliards de dollars à la fin de son exercice 2003. Pour Tom Lauria, Lucent n'est pas au bord de la banqueroute mais «a de réels problèmes de trésorerie qui pourraient menacer sa survie». La nouvelle détérioration de l'activité soulève des interrogations sur la santé financière de la société et pourrait avoir des conséquences négatives sur son bilan, y compris en consumant son encaisse, explique l'analyste.

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