La création d'emplois reste soutenue au Canada

La hausse du taux de chômage en septembre masque un marché du travail demeurant des plus vigoureux au Canada, avec un taux d'activité à son plus haut des 12 dernières années. Défiant la morosité américaine, la croissance de l'emploi s'est poursuivie à l'échelle nationale, à un rythme plus modeste cependant, alimentée par la reprise manufacturière en Ontario.
Ainsi, après une création nette de 59 000 emplois en août, le nombre d'emplois a progressé de 41 000 en septembre au Canada. Malgré ce nouveau gain — attribuable essentiellement au temps partiel et se concentrant en Ontario —, le taux de chômage est passé de 7,5 à 7,7 % sous le coup d'une augmentation du nombre de personnes se disant à la recherche d'un emploi. Dans la foulée, Statistique Canada n'a pas été sans faire ressortir que le taux d'activité avait augmenté de 0,2 point pour atteindre 67,2 % le mois dernier, se situant à son niveau le plus élevé en 12 ans. Un sommet de 67,5 % avait été atteint en janvier 1990.L'augmentation la plus importante a été observée en Ontario, avec une création nette de 32 000 emplois en septembre venant s'ajouter à celle de 44 000 du mois précédent. Il y a donc accélération à ce chapitre dans cette province qui, de janvier à juillet, n'avait affiché qu'une hausse mensuelle moyenne de 10 000 emplois. Le taux de chômage ontarien est toutefois passé de 7,2 à 7,3 % entre août et septembre, sous le coup d'un nombre accru de personnes se mettant à la recherche d'un emploi.
Au Québec, l'emploi a progressé de 9000 le mois dernier, après avoir reculé de 21 000 en juillet et août. Le taux de chômage s'est donc légèrement replié, de 8,5 à 8,4 %. Cette décélération fait suite à un marché du travail particulièrement vigoureux au premier semestre, qui porte le total des emplois créés au Québec à 116 000 depuis le début de l'année. On parle ici d'un taux de croissance de 3,3 % qui surpasse la moyenne canadienne de 2,8 %. Le taux d'activité est demeuré inchangé à 65,1 %, près de son record de 65,3 % établi en juillet dernier.
Du côté ontarien, le regain d'activité des derniers mois porte à 149 000 le nombre d'emplois créés dans cette province depuis le début de 2002, plus de la moitié de cette progression (86 000) venant du secteur manufacturier.
Ces deux provinces comptent donc pour 62 % des 427 000 emplois crées depuis janvier à l'échelle canadienne. «Au cours de cette période de neuf mois, l'emploi à temps plein a progressé de 255 000 (+2,1 %) et l'emploi à temps partiel, de 171 000 (+6,2 %)», a précisé l'agence fédérale de statistiques, qui met également en exergue la performance du secteur manufacturier. «Malgré une légère baisse de 17 000 emplois en septembre, la fabrication demeure un important secteur en ce qui a trait à la croissance en 2002, le nombre d'emplois y ayant augmenté de 132 000 (+5,9 %). Le dynamisme de l'emploi manufacturier observé cette année au Canada diffère de la situation qui prévaut aux États-Unis, où le secteur de la fabrication a accusé un recul de 2,4 % au chapitre de l'emploi au cours des neuf premiers mois de 2002.»
Statistique Canada relève également le gain net de 45 000 emplois dans le secteur de la construction depuis janvier. Cette hausse de 5,3 % a été particulièrement ressentie au Québec et en Colombie-Britannique, sous le coup d'une forte demande de logements neufs.
Ralentissement
«Ce que je retiens de ces données, c'est l'absence de création d'emplois à temps plein. En fait, nous avons perdu 5000 emplois à temps plein, a souligné Andrew Jackson, économiste principal pour le Congrès du travail du Canada. La conclusion principale que j'en tire est que nous avons connu jusqu'ici une très bonne année pour la création d'emplois au Canada, malgré le ralentissement aux États-Unis, la faible croissance dans le monde et la tempête qui secoue les marchés boursiers. Mais je crois que ceci est un signe précurseur de temps beaucoup plus difficiles à venir.»
Avery Shenfeld, économiste pour Marchés mondiaux CIBC, voit dans les données de septembre «un signe de modération de la croissance de l'économie canadienne». Marc Lévesque, économiste principal du Groupe financier Banque TD, est toutefois plus optimiste. «La situation n'est peut-être pas parfaite cette fois-ci, mais il n'y a qu'une seule conclusion qui s'impose: la machine de création d'emplois au Canada fonctionne toujours à plein régime.»
MM. Lévesque et Jackson croient tous deux que les dernières données de Statistique Canada ont de quoi faire réfléchir le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, à quelques jours de l'annonce prévue — le 16 octobre — d'une décision sur les taux d'intérêt. «Je crois qu'ils [les dirigeants de la Banque du Canada] vont voir dans ces données un signe de ralentissement de la croissance», a dit M. Lévesque, qui prévoit que la banque centrale maintiendra son taux directeur à son niveau actuel de 2,75 % jusqu'à la fin de l'année.
Pour l'économiste Joëlle Noreau, du Mouvement Desjardins, «dans le passé, nous avons déjà vu une progression de l'emploi s'échelonner sur 12, 16 et même 24 mois (de février 1978 à janvier 1980). Sommes-nous portés par une vague de cette ampleur? C'est possible. Toutefois, il faudrait que le vent souffle pour permettre au mouvement de se maintenir. Le vent, ce sont les exportations, notamment celles destinées aux États-Unis.» Et ici, c'est la grande inconnue. «Les signaux de reprise sont en place mais ils ne se manifestent pas avec beaucoup de force pour le moment, ce qui pourrait se traduire par des gains d'emplois moins substantiels au cours des prochains mois de ce côté-ci de la frontière.»