Perspectives - Appel au boycottage

Avec un conflit entrant dans son sixième mois, et ne voyant que l'obscurité autour d'eux, les employés en lock-out de Vidéotron n'entrevoient plus qu'une ultime solution: l'appel à un boycottage général. Avec un code du travail retirant tout impact à leurs moyens de pression lorsque l'agenda de l'employeur est à l'intransigeance, les syndiqués sentent qu'ils n'ont désormais plus rien à perdre. Qu'il faut passer à une autre étape, celle de l'atteinte d'un point de rupture. Ils en sont là.

Pour le dirigeant syndical Nick Mingione, l'appel au boycottage monte en force au sein des troupes. «Ça occupe la moitié de notre temps. Nous passons tout ce temps à expliquer à nos membres les conséquences et la portée d'un tel geste.» Mais la pression est forte, de plus en plus forte. «Nos membres sont très conscients des dangers.» Mais au point où ils en sont rendus, se disent-ils. Un point de non-retour, un point de rupture se profile. «Les membres nous disent que nous en sommes peut-être rendus là. Que s'il faut perdre notre maison... »

Nick Mingione, comme l'ensemble de l'exécutif syndical impliqué, n'a rien d'autre à suggérer aux membres que de multiplier les événements de sensibilisation. Comme cette marche de 24 syndiqués. Partis samedi de Montréal, ils étaient à Trois-Rivières hier. Leur objectif est d'atteindre Québec le 15 octobre et de déposer à l'Assemblée nationale une pétition d'appui. Une pétition contenant présentement 65 000 signatures, affirme-t-on de source syndicale. On prévoit, ensuite, une grande manifestation, pour le 26 octobre. Tous les membres de syndicats affiliés à la FTQ seront invités au parc Lafontaine pour l'occasion.

Le premier ministre Bernard Landry a beau admettre qu'il est déjà intervenu, sans succès, qu'il demeure disponible si ses services pouvaient permettre de dénouer l'impasse, la Caisse de dépôt a beau faire état, publiquement du moins, de son impuissance et de sa volonté de ne pas s'y immiscer... En l'absence d'ouverture, et à défaut d'autres recours, on maintient la pression sur Québec et sur la Caisse de dépôt, principal actionnaire minoritaire de Quebecor Média.

Drôle de conflit, donc, que celui opposant les syndiqués de Vidéotron à Quebecor. Un conflit entrant dans son sixième mois et ne montrant toujours aucun signe de reprise des négociations. C'est le cul-de sac.

Le conflit s'annonçait long, dès le départ. Avec cette volonté de «dompter Vidéotron» manifestée d'entrée de jeu par le président de la FTQ, Henri Massé; avec un Quebecor amorçant les négociations sur la vente définitive et irrévocable du quart des effectifs de Vidéotron à Entourage, on pouvait aisément imaginer la suite des choses. D'autant plus que l'enjeu véritable, soit celui d'imposer à un ex-monopole un modèle d'affaires répondant à une nouvelle logique économique, demeure inébranlable.

Reste donc uniquement à savoir jusqu'où on est prêt à aller, de part et d'autre. Où fixe-t-on le point de rupture, de non-retour. À cet effet, la théorie nous enseigne que, devant l'impasse, mieux vaut changer les négociateurs en présence avant que le conflit ne devienne une affaire personnelle. Cette personnalisation est-elle venue? Le conflit atteint-il l'étape où il est susceptible de s'inscrire dans les annales des relations de travail au Québec dans le même chapitre dédié aux Nationair et Manoir Richelieu de l'histoire corporative québécoise?

Pour reprendre le commentaire de Nick Mingione: «Les membres nous disent que nous en sommes peut-être rendus là. Que s'il faut perdre notre maison... »

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