La BCE refuse une baisse précipitée des taux

Bruxelles — Le président de la Banque centrale européenne, Wim Duisenberg, a douché hier les espoirs d'une baisse imminente des taux d'intérêt en zone euro pour soutenir la croissance, avertissant qu'une détente monétaire inopportune serait un «désastre majeur» pour l'économie.

«Le niveau actuel des taux d'intérêt [3,25 %] est approprié» et «accommodant», a-t-il estimé devant une commission du Parlement européen, à deux jours de la réunion du conseil des gouverneurs de l'institut monétaire.

M. Duisenberg a reconnu que la croissance en zone euro était moins forte qu'escompté cette année et que «les incertitudes sur les perspectives économiques restent élevées à court terme», citant notamment la forte baisse des marchés boursiers et la hausse du prix de l'or noir dans la crainte d'une guerre en Irak.

Le Pacte de stabilité

renforcé

Alors que la conjoncture morose aggrave les déficits des grands pays de la zone euro, M. Duisenberg s'est félicité de l'accord conclu lundi soir entre les ministres des Finances, imposant une réduction annuelle de leur déficit structurel dès 2003. Seule la France n'a pas pris cet engagement. Mais le président de la BCE a préféré minimiser les divergences, estimant que l'accord de la veille avait «renforcé» le Pacte de stabilité.

M. Duisenberg a reconnu que la croissance de la zone euro serait modeste au deuxième semestre mais pourrait accélérer début 2003. Le principal obstacle à ce rebond, selon lui, est la perte de confiance des Européens. «Le problème n'est pas le niveau des taux d'intérêt mais le manque de confiance» des consommateurs et des investisseurs, a-t-il répondu à des députés perplexes devant l'inaction de la banque centrale face à un coup de frein de l'économie.

«Supposez que nous procédions à une baisse des taux d'intérêt en vue de stimuler l'activité et supposez que cette mesure échoue à atteindre les résultats escomptés: je pense que ce serait un désastre majeur», a-t-il lancé à la fin de son audition. Un tel échec «minerait la confiance au lieu de la renforcer», a prévenu M. Duisenberg. Elle porterait aussi atteinte à la crédibilité de la jeune institution.

Le Néerlandais a rappelé qu'«on ne peut pas demander à la politique monétaire de remplir des objectifs dont elle ne peut pas s'acquitter». Sa «mission première» est de préserver la stabilité des prix.

La BCE est toutefois sous pression grandissante pour faire un geste afin de relancer une économie européenne chancelante. Le directeur général du FMI avait ainsi plaidé samedi dernier en faveur d'une baisse «rapide» des taux. Mais M. Duisenberg a retenu de sa recommandation qu'elle était «conditionnée à des réformes structurelles» en zone euro.

Porte ouverte

Le président de la BCE n'a cependant pas exclu une détente monétaire en cas de dégradation plus forte de la conjoncture et d'une déflation. «Nous détestons l'inflation autant que la déflation», a-t-il lancé. Si l'inflation «devait tomber en deçà de 1 %» sur un an, contre 2,2 % actuellement, «alors l'Europe serait menacée d'une déflation» et la BCE en tiendrait compte dans sa politique. «Nous devons garder des cartouches au sec» en matière de baisse de taux, a-t-il dit.

Pour l'heure, les risques entourant l'évolution des prix restent équilibrés, selon lui. L'appréciation de l'euro et une demande atone réduisent les tensions inflationnistes mais la BCE restera «vigilante» face à «l'augmentation du cours du pétrole et des salaires», a répété son président.

Pour leur part, les économistes du groupe AFP/AFX s'attendent à un maintien des taux de la BCE lors sa prochaine réunion, demain, mais tablent majoritairement sur un assouplissement monétaire d'ici mars.

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