Conséquences du conflit canado-américain - Ottawa aidera les travailleurs du bois d'oeuvre, pas les entreprises

Après avoir repoussé l'annonce depuis le printemps, le gouvernement fédéral a annoncé hier les détails de son plan d'aide aux travailleurs forestiers touchés par le conflit du bois d'oeuvre, un plan qualifié d'incomplet par l'opposition et l'industrie.

Ottawa — Le plan, qui s'étire sur deux ans, est doté d'un budget de 246,5 millions qui vise à appuyer autant les travailleurs mis à pied que les communautés affectées par les sanctions commerciales américaines de 27 %. Le programme d'aide ne prévoit, par contre, aucune aide directe aux compagnies par l'entremise de garanties de prêt, un aspect jugé essentiel par l'industrie et les provinces.

Ces dernières n'ont pas pris de temps à dénoncer cette lacune, jugeant également que la somme annoncée est bien minime face à l'ampleur de la situation. Au Québec seulement, on estimait à 400 millions l'aide nécessaire pour traverser la dure période. Déjà, des milliers de travailleurs ont été licenciés à la suite de fermetures de scieries ou de réduction de quarts de travail.

Le ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew, a expliqué que si les garanties de prêt ne se retrouvent pas dans le programme, c'est «qu'honnêtement, il n'y avait pas de consensus sur cette question». Plusieurs considéraient que ce type d'aide pourrait amoindrir la position du Canada à l'Organisation mondiale du commerce étant donné que les États-Unis auraient tenté de faire valoir qu'il s'agissait de subventions.

Travailleurs et communautés

L'essentiel du programme annoncé hier vise à aider les travailleurs et les communautés affectés. Ainsi, Ottawa consacrera 71 millions sur deux ans pour des programmes existants d'assurance-emploi. Une somme de 110 millions sur deux ans servira à financer un Fonds national d'adaptation de l'industrie et des collectivités touchées par le litige afin d'aider les communautés à trouver d'autres sources d'activités économiques.

Le programme «devrait satisfaire à bien des exigences», a fait valoir le premier ministre Jean Chrétien, à la sortie de la réunion de son conseil des ministres. «Il y a eu des problèmes dans l'industrie. C'est moins désastreux que ce qu'on avait prévu parce que la consommation, la demande, est encore très forte, particulièrement au Canada», a-t-il mentionné.

Ottawa en profite également pour remplir une promesse de longue date en versant un montant de 23,5 millions sur deux ans pour la création du Centre intégré des pâtes et papiers à Trois-Rivières. La question avait été au centre des enjeux électoraux de la région, lors de la campagne électorale de décembre 2000. Une autre somme de deux millions sera également allouée à un consortium de recherche sur la forêt boréale au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Des critiques

Le Bloc québécois a critiqué le plan fédéral avançant qu'en oubliant l'aide à l'industrie, le gouvernement oublie les communautés. «Quand on nous parle d'aider les communautés, il faudrait se rendre compte que, dans ces communautés, la principale source, l'entreprise importante, l'activité importante, c'est justement le secteur du bois d'oeuvre, a précisé Gilles Duceppe, chef du Bloc. Et on est en train de le perdre. C'est irresponsable. Il aurait fallu intervenir avec un plan d'aide aux entreprises.»

Le Bloc s'inquiète d'ailleurs que les propriétaires de petites scieries québécoises ne soient tentés, face aux problèmes, de vendre leur entreprise aux Américains. «Inévitablement, un bon nombre de petites industries en région vont devenir encore plus vulnérables et risquent d'être achetées par les grandes entreprises américaines», a déclaré le député Paul Crête, député du Témiscouata, une région où la survie de nombreux villages est liée à l'industrie forestière.

Alexa McDonough, chef du NPD, a pour sa part résumé le propos des partis de l'opposition en accusant le gouvernement de «faire trop peu, trop tard».

Une aide supplémentaire

En conférence de presse, à Vancouver, le ministre des Ressources naturelles, Herb Dhaliwal, a fait remarquer que le gouvernement fédéral ne ferme pas la porte à une aide supplémentaire. «Nous espérons pouvoir obtenir une entente [avec les États-Unis] dans les quatre ou cinq mois à venir. Si cette entente ne se concrétise pas, nous étudierons la situation de très près et nous verrons si d'autres mesures s'imposent.»

Quand on lui a demandé si le gouvernement avait les moyens de faire plus, le ministre de l'Industrie, Allan Rock, a soutenu que le gouvernement «a annoncé ce que nous estimons nécessaire et approprié pour le moment».

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