Québec dénonce la coquille vide d'Ottawa
Tricherie. Mensonge. Coquille vide. Le ministre québécois des Ressources naturelles ne mâchait pas ses mots hier après-midi pour qualifier les nouvelles mesures du gouvernement fédéral pour aider les travailleurs et les communautés vivant de l'industrie du bois d'oeuvre.
«Quand on annonce de l'aide pour l'industrie du bois d'oeuvre, encore faut-il qu'il y ait un effet réel sur l'industrie du bois d'oeuvre», laisse tomber le ministre François Gendron. «[...] on avait simplement demandé au fédéral de faire ses devoirs. Aujourd'hui, est-ce qu'on retrouve un minimum de respect et de soutien dans ce plan? Non. C'est une caricature. [...] C'est de la littérature. C'est des vitrines. C'est des ballounes que je ne veux pas souffler.»Plus tôt en journée, Ottawa a annoncé un plan d'action de 246,5 millions sur deux ans touchant le secteur forestier. Ce montant sera réparti de la façon suivante:
- 110 millions serviront à mettre sur pied un Fonds national d'adaptation de l'industrie et des collectivités visant à favoriser le développement économique;
-par le truchement de l'assurance-emploi, 71 millions seront voués à l'assistance aux travailleurs licenciés;
- 40 millions serviront à des «mesures ciblées» pour combattre l'épidémie de dendroctone du pin argenté en Colombie-Britannique;
- 23,5 millions serviront à la création d'un centre d'excellence dans le secteur des pâtes et papiers à Trois-Rivières;
-2 millions seront versés à un consortium de recherche sur la forêt boréale au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Du vent, selon François Gendron. «L'industrie québécoise du bois d'oeuvre ne profitera directement que d'une vingtaine de millions de dollars par année. Cela ne représente que 5 % des 467 millions de dollars que l'industrie québécoise paiera en surtaxe en un an.» Il se demande en quoi, par exemple, un centre d'excellence des pâtes et papiers et un programme de recherche pour contrer une épidémie de «bibittes» sont des mesures d'aide directe.
Est-ce que le gouvernement québécois a donc l'intention de proposer son propre plan d'aide? «La volonté est là, mais ce n'est pas sous notre juridiction et nous n'avons pas l'argent qu'il faut pour intervenir. [...] On va refaire un consensus avec les gens de l'industrie et refaire des représentations. On s'attendait vraiment à ce que le fédéral soit respectueux des demandes.»
Pas le poids
Nous devions envoyer un message aux Américains pour qu'ils reviennent à la table des négociations et ce plan ne fait pas le poids, a soutenu pour sa part Clément L'Heureux, vice-président exécutif du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP-FTQ). «Ce qui nous est offert aujourd'hui, c'est un peu d'aide sociale et des fonds de formation pour les travailleurs de l'industrie forestière. Nous pensons que le gouvernement nous a laissé tomber.»
M. L'Heureux souligne, entre autres, que le plan d'aide n'inclut pas de mesures pour stimuler la demande intérieure de bois comme un programme de construction. «De plus, le plan ne comprend pas de primes améliorées d'assurance-emploi pour aider les familles dans cette période difficile.»
De son côté, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec (AMBSQ) a dressé un bilan plus optimiste de la situation. «On croit et on espère que cette annonce n'est que le premier volet et que le fédéral va annoncer un deuxième volet d'aide à court terme destinée à l'industrie», indique le président-directeur général de l'organisme, Jacques Gauvin. Si rien n'est fait, il prévoit la fermeture de plusieurs usines au cours des prochains mois.
«[...] On comprend que le gouvernement veuille être prudent pour ne pas nous offrir une aide qui soit préjudiciable. Il reste cependant que notre industrie est en péril. Les Américains mènent une guerre commerciale que nous allons gagner, mais il faudra du temps. À quoi servira cette victoire si nous fermons toutes nos portes entre-temps? Le fédéral devrait prendre un risque calculé et nous aider à passer au travers.»
Depuis le 22 mai, le gouvernement américain impose une surtaxe moyenne de 27,22 % aux planches venant des forêts canadiennes parce qu'il considère que les droits de coupe peu élevés constituent une aide financière illégale. Ces droits tarifaires varient d'une province à l'autre et d'une entreprise à l'autre.
L'exportation de bois d'oeuvre canadien aux États-Unis représente un commerce de milliards par année. Les deux provinces les plus touchées par ces mesures commerciales sont le Québec et la Colombie-Britannique. Au Québec, l'industrie du bois de sciage emploie 38 000 travailleurs: 20 000 en usine et 18 000 en forêt.