Report du retour à l'équilibre budgétaire - Les petits de la zone euro se rebiffent
Luxembourg — Les petits pays de la zone euro et l'Espagne sont montés au créneau hier soir contre l'idée de la Commission européenne de repousser à 2006 l'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques de la zone et contre la politique budgétaire de la France, «mouton noir» européen des déficits.
À leur arrivée à un dîner avec leurs collègues des 12 pays de la zone euro (Eurogroupe) à Luxembourg, les ministres des Finances autrichien, néerlandais, et finlandais ont pris à partie le commissaire européen aux Affaires monétaires, Pedro Solbes, pour son projet d'abandonner l'objectif de finances assainies dès 2004. «Vous pouvez être sûr que je vais m'y opposer très fortement. C'est un affaiblissement important du pacte de stabilité et je n'accepterai pas l'affaiblissement du pacte», a déclaré le ministre autrichien, Karl-Heinz Grasser.«De toute évidence, si nous reculons la date, cela ne sera pas un encouragement bien fort à la nécessaire consolidation budgétaire», a renchéri son homologue néerlandais, Hans Hoogervorst, prédisant une «réunion longue et difficile» tandis que le Finlandais Sauli Niinistoe se déclarait «très inquiet».
Report de l'équilibre
Pour tenter de sauver le pacte de stabilité dans un contexte économique déprimé et assombri par les menaces de guerre en Irak, M. Solbes a assorti sa proposition de report de l'objectif d'équilibre en 2004 de deux conditions: le maintien d'un seuil maximal de 3 % de déficit et l'engagement d'une baisse de 0,5 % par an dès 2003 du déficit structurel, qui se calcule hors aléas conjoncturels.
Mais son projet est assimilé par les petits pays vertueux et l'Espagne comme une prime à leurs quatre partenaires en déficit: l'Allemagne, l'Italie, le Portugal et surtout la France, seule à ne pas jouer la carte de la rigueur pour 2003 et à refuser de s'engager sur un retour à l'équilibre budgétaire en 2006.
Avec un budget 2003 au déficit prévu de 2,6 %, égal à celui de cette année, le ministre français de l'Économie et des Finances, Francis Mer, devait, au même titre que M. Solbes, faire figure d'accusé numéro un à la table de l'Eurogroupe.
Si M. Mer s'est refusé à toute déclaration à son arrivée à Luxembourg, ses homologues n'ont pas manqué de le montrer du doigt: le cas français est «un vrai problème», a estimé le premier ministre et ministre des Finances luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.
M. Grasser a souligné que les Européens avaient pris en juin à Séville la décision d'un retour de leurs finances publiques «à ou près de l'équilibre en 2004». Le président français «Jacques Chirac a pris cette décision et Francis Mer était dans la même pièce que moi» à ce moment, a ajouté le ministre autrichien.
«La crédibilité [de la zone euro] se gagnera sur ce que chacun fera en 2003», a déclaré le ministre espagnol de l'Économie, Rodrigo Rato. «Il est plus important de se demander ce que l'on va faire aujourd'hui que ce que nous pouvons promettre pour dans deux ou quatre ans», a estimé le Finlandais Sauli Niinistoe.
Conscient que son pays risquait d'être mis au pilori par ses partenaires, le premier ministre français Jean-Pierre Raffarin avait tenté de prendre les devants en assurant que son gouvernement tenait «beaucoup au respect des règles définies entre les pays européens». Dans une interview au quotidien régional Le Progrès de Lyon, il avait fait porter la responsabilité la «dérive financière» française au précédent gouvernement socialiste. «S'il y a un bonnet d'âne, ce n'est pas moi qui le porterai», avait-il dit.