Ford supprime 30 000 emplois

Après General Motors, au tour de Ford. Affichant sa plus faible part de marché depuis l'époque du Model T, doublé par Toyota comme deuxième constructeur mondial et plombé par un marché en profonde mutation, Ford a annoncé hier la suppression de 30 000 emplois afin que sa division automobile nord-américaine renoue avec les profits d'ici à 2008. L'objectif d'ici à 2010: économiser six milliards $US par année.

L'annonce de Ford, qui compte 122 000 employés en Amérique du Nord, est survenue au moment même où le constructeur dévoilait un bénéfice net de deux milliards pour l'exercice 2005, attribuable entre autres à sa division de crédit et à la vente du locateur Hertz. L'Europe et l'Asie-Pacifique se sont révélées rentables, mais le noeud du problème se situe dans ses activités nord-américaines, où la compagnie a perdu 1,6 milliard $US l'an dernier.

Le plan de redressement, dénoncé par les syndicats, prévoit jusqu'à 14 fermetures d'usines et n'épargne pas l'Ontario, où les perspectives n'avaient rien de particulièrement optimistes depuis les négociations de contrat de travail l'automne dernier.

Comme prévu, Ford fermera l'usine Windsor Casting, qui fabrique des blocs-cylindres et des vilebrequins et où jusqu'à 1100 postes seront touchés. Mais l'entreprise abolira aussi 1200 emplois en réduisant à un seul quart de travail le fonctionnement de l'usine de St. Thomas, où sont assemblés les Grand Marquis et Crown Victoria, deux gros modèles dont la popularité laisse à désirer.

«Le marché automobile nord-américain est en voie de devenir aussi achalandé et fragmenté que les autres marchés à l'échelle mondiale», a dit Bill Ford, chef de la direction et arrière-petit-fils du fondateur de l'entreprise, Henry Ford. «Pour répondre à ce défi, nous agissons rapidement pour renforcer les marques Ford, Lincoln et Mercury, pour offrir l'innovation que demandent les consommateurs et créer un modèle d'affaires nous permettant d'être concurrentiels — et de gagner — en cette ère de concurrence mondiale.»

Sur les sept usines d'assemblage que Ford entend fermer partiellement ou totalement, deux ne sont pas encore connues. Au total, la capacité d'assemblage de la compagnie, dont la part de marché nord-américaine est passée de plus de 25 % à moins de 19 % en dix ans, diminuera de 1,2 million de véhicules d'ici à 2008, soit une baisse de 26 %.

Et la compagnie ne s'attaque pas seulement à la main-d'oeuvre en usine: 12 % des cadres seront remerciés d'ici à la fin du mois de mars. En tout, les mesures de redressement, qui ne comprennent pas les 4000 licenciements annoncés récemment, se traduiront cette année par une charge de 470 millions $US au bilan.

Un dur coup, selon les TCA

Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) a estimé peu après l'annonce que le geste de Ford allait faire trembler les fondations de l'industrie automobile nord-américaine. «Le dévoilement par Ford d'une rationalisation aussi douloureuse est un coup qui affectera des milliers de Canadiens, d'une manière ou d'une autre», a indiqué en conférence de presse le président des TCA, Buzz Hargrove.

Les TCA ont estimé que l'impact à Windsor pourrait être amoindri par des mesures de relocalisation et d'attrition. Rappelons que Ford compte une autre usine d'assemblage à Oakville, où l'on fabrique des minifourgonnettes Freestar, et que la compagnie s'est engagée récemment à y assembler le nouveau modèle Edge. À Windsor, elle compte deux usines de moteurs où travaillent environ 2800 personnes.

Mais le syndicat a peu apprécié la décision de réduire à un seul quart de travail la production de l'usine de St. Thomas, en Ontario. «Les TCA sont fâchés et déçus de cette décision, laquelle n'était pas prévue dans nos récents pourparlers de convention avec Ford. [...] De toute évidence, l'avenir à long terme de l'usine est en péril.» La baisse de régime, a dit Ford, aura lieu en 2007.

Les résultats du quatrième trimestre étaient tout de même positifs. Ils se sont soldés par un bénéfice net de 124 millions $US, grâce à Hertz et à la division de crédit. Au sein de sa division automobile, la baisse de popularité des véhicules sport utilitaire a contribué à une perte de 12 millions $US, ce qui s'avère moins que les 470 millions $US de l'année précédente. Pour 2005 dans son ensemble, le chiffre d'affaires total a atteint 47,6 milliards $US, en hausse de 6 %.

Les investisseurs ont aimé ce qu'ils ont vu, l'action de Ford s'offrant 5,3 %, à 8,32 $US. Le titre, qui se négociait autour de 16 $US à l'été 2004, ne cesse de perdre de l'altitude.

Ford entend tout de même poursuivre son développement. Ses investissements en immobilisations, en 2006, devraient atteindre sept milliards $US. La compagnie entend notamment mettre davantage d'efforts sur les véhicules hybrides, dans un contexte où les préoccupations environnementales et les prix de l'essence pèsent un peu plus dans la balance lors de l'achat d'un nouveau véhicule.

Avec la Presse canadienne et l'Agence France-Presse

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