Où en sont les recherches sur les sites des pensionnats pour Autochtones?
La fin du mois de mai marque le premier anniversaire de la découverte potentielle des restes de 215 enfants sur le site d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique. L’événement, qui avait causé une onde de choc à travers le pays, a conduit plusieurs communautés à vouloir entreprendre leurs propres recherches. Un an plus tard, où en sont-elles rendues?
Pour établir le bilan de la situation, Le Devoir a effectué des recherches à savoir si des relevés par géoradar ou des étapes préliminaires ont été annoncés publiquement depuis la dernière année. Chaque point sur la carte représente un ancien site.
Selon le décompte, au moins 36 communautés à travers le pays ont effectué ou amorcé des recherches sur les sites des anciens pensionnats pour Autochtones.
Des découvertes ont été recensées sur 11 sites, dont le plus récent au nord de Regina, en Saskatchewan, où la Première Nation George Gordon affirme avoir trouvé 14 tombes anonymes potentielles. Le bilan s’élève maintenant à près de 1800 tombes non marquées confirmées ou potentielles trouvées à travers le pays.
Une trentaine de communautés ont entamé des démarches préparatoires. Certaines ont reçu du financement du gouvernement fédéral pour mener des enquêtes sur le terrain, tandis que d’autres mènent des consultations pour prendre une décision sur la question — ce qui est notamment le cas pour tous les pensionnats du Québec qui étaient gérés par l'Église.
Pour 72 pensionnats, aucune annonce portant sur d’éventuelles démarches n’a été faite. Les experts consultés par Le Devoir nuancent toutefois ces données en précisant que certaines communautés ne souhaitent pas rendre leurs procédures publiques.
Il existait six établissements qui visaient à « tuer l’Indien dans l’enfant » dans la province. On retrouvait également quatre foyers fédéraux pour les Inuits et deux foyers non confessionnels à Fort George et à Mistassini.
Pour l’instant, une seule communauté de la province a obtenu du financement de la part du gouvernement fédéral pour de potentiels relevés par géoradar. Or, certaines autres pourraient aussi s’apprêter à en faire la demande. Bilan de la situation.
Pensionnat de Sept-Îles

« On avance avec prudence et bienveillance » : c’est ainsi que Jean-Claude Therrien Pinette, responsable du cabinet politique d’Uashat Mak Mani-Utenam, résume l’état actuel des démarches dans la communauté innue de la Côte-Nord.
Pour le moment, la communauté innue est la seule de la province à avoir reçu du financement du gouvernement fédéral. La somme de 715 000 $, obtenue par l’entremise du Fonds de soutien communautaire pour les enfants disparus dans les pensionnats, pourra servir à mener les démarches de consultations entre pensionnaires, puis pourrait financer les ressources nécessaires aux recherches par géoradar.
Avant d’entreprendre quelque démarche que ce soit, des consultations doivent toujours être conclues. Ces dernières ont actuellement lieu auprès d’ex-pensionnaires afin de recueillir leurs témoignages et souvenirs du pensionnat Notre-Dame de Sept-Îles, qui a été en activité pendant 20 ans.
« On essaie de corroborer, à travers des souvenirs des anciens pensionnaires, des éléments d’informations pour justifier la tenue des recherches », indique M. Therrien Pinette. La consultation a déjà commencé auprès des anciens pensionnaires d’Uashat et de Pessamit, puis se poursuivra avec ceux de Natashquan.
« On y va communauté par communauté pour aller à la rencontre des survivants. Ce sont eux qui vont nous pister pour savoir si on doit mener des recherches », plaide-t-il.
Pensionnats de Fort George

Les découvertes à Kamloops ont ravivé de vieilles blessures pour la communauté crie de Chisasibi. L’île de Fort George, qui se trouve près de communauté, a accueilli les deux premiers pensionnats au Québec : le pensionnat anglican St Philip’s et le pensionnat catholique romain de Fort George, qui a ouvert ses portes en 1937.
Mandy Gull-Masty, la grande cheffe de la nation crie du Québec, a été élue peu après les découvertes, en juillet. Dès son entrée en poste, elle a annoncé son intention de travailler avec les communautés qui ont été touchées par les pensionnats.
« C’était une année difficile, car [les découvertes] ont ramené beaucoup d’émotions et tout un historique sur la table. Ça a eu un gros impact sur les [anciens] pensionnaires », confie-t-elle.
Une démarche de consultation auprès des anciens pensionnaires a ensuite été mise en place. « Ces réunions étaient très difficiles, car il n’y avait pas que les histoires que les étudiants ont vécues, mais aussi les histoires des choses qu’ils ont vues. [Après Kamloops], c’était vraiment un moment de vérité pour les pensionnaires », se rappelle-t-elle.
Le processus, qui a malencontreusement pris du retard en raison de la pandémie, est sur le point de s’achever. La communauté prévoit de faire une annonce publique à la fin du mois de juin, à savoir si elle procédera à des recherches par géoradar.
Pensionnat de La Tuque

Des voix s’élevaient, l’été dernier, pour que le site de l’ancien pensionnat de La Tuque, qui accueillait principalement des enfants de la nation crie, soit fouillé. Un centre de la petite enfance (CPE) est aujourd’hui installé sur ledit terrain.
Interpellée par Le Devoir, Christiane Morin, directrice du CPE et propriétaire du terrain, confie qu’« il n’y a pas eu beaucoup de développement » depuis l’été dernier. Elle se dit toujours prête à autoriser les recherches sur le terrain si la demande est faite par les autorités.
Mme Morin affirme par ailleurs que la dernière communication qu’elle a reçue date de l’automne dernier. La grande cheffe de la nation crie du Québec, Mandy Gull-Masty, a affirmé au Devoir que « le dossier » est toujours en cours.
Pensionnat d'Amos

Dans la communauté algonquine de Pikogan, près d’Amos, on affirme être prêts à demander des recherches sur le site de l’ancien pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery. Joan Wylde, la conseillère de la Première Nation Abitibiwinni, prévient toutefois que même si un consensus est établi à Pikogan, le Conseil devra d’abord consulter les autres communautés avant de faire une demande officielle — puisque le pensionnat a aussi accueilli des enfants atikamekw et cris.
« Les anciens pensionnaires de Pikogan sont prêts à faire les recherches et à donner le “go”, mais on attend les autres communautés, ce n’est donc pas confirmé à 100 % », affirme-t-elle.
Son père, Johnny Wylde, qui coordonne un groupe d’anciens élèves du pensionnat — et qui a lui-même fréquenté le pensionnat durant son enfance — espère que le dossier pourra avancer rapidement. « Les familles m’appellent pour me demander quand seront les fouilles », relate-t-il.
De son côté, Joan Wylde a espoir que les autres communautés suivront le pas. « D’après moi, elles vont vouloir appuyer la communauté des Anichinabés pour les recherches. » Car ces recherches, souligne-t-elle, font « partie du processus de guérison » et pourront apporter des réponses aux familles.
« On passe tout le temps devant le pensionnat pour aller à Val-d’Or, on pense à tout ce qui a pu s’y passer. [Après] les corps retrouvés dans les autres pensionnats, on se demande s’il pourrait y en avoir là aussi ».
Pensionnat de Pointe-Bleue
L’établissement de Pointe-Bleue, au nord de Roberval, est le dernier pensionnat à fermer au Québec, en 1991. L’école accueillait principalement des Innus, des Atikamekw, des Algonquins et des Cris.
Pour le moment, les discussions se poursuivent au sein d’un comité de travail. « Aucune décision n’a encore été prise relativement à la réalisation ou non de fouilles », a indiqué Karen Robertson, responsable des communications de la communauté Kauauitishakanit Takuhimatsheuan, à Mashteuiatsh. Elle assure que « la population sera la première informée des orientations éventuelles ».
Précision: L'introduction du texte original a été modifiée depuis sa publication pour indiquer qu'il s'agit d'une découverte potentielle des restes de 215 enfants.
Les survivants des pensionnats pour Autochtones et leur famille peuvent aussi appeler en tout temps la ligne d'écoute téléphonique nationale concernant les pensionnats pour Autochtones au 1-866-925-4419.