Façonner son art pour toucher les cœurs

André Lavoie
Collaboration spéciale
Les participants à la journée de consultation nationale du 6 novembre 2019, au Conservatoire d’art dramatique de Montréal
Photo: Conseil québécois du théâtre Les participants à la journée de consultation nationale du 6 novembre 2019, au Conservatoire d’art dramatique de Montréal

Ce texte fait partie du cahier spécial Théâtre

Entre 2018 et 2022, même si beaucoup de salles de spectacle sont demeurées trop longtemps silencieuses, le milieu théâtral québécois n’est pas resté les bras croisés. Entre autres tâches et défis, il s’est lancé dans un vaste processus de réflexion et de consultation pour envisager autrement l’avenir. Le premier Plan directeur du théâtre professionnel au Québec (2023-2033), dévoilé en novembre dernier par le Conseil québécois du théâtre (CQT), en est l’aboutissement.

Cent cinquante personnes de tous les coins de la province ont pris part à l’exercice, établissant huit chantiers prioritaires et près de 250 actions à mettre en place au cours des dix prochaines années. De quoi donner le vertige, surtout après trois années de pandémie qui ont laissé bien des cicatrices dans un secteur qui n’a jamais vraiment roulé sur l’or.

« Le Plan directeur, c’est en quelque sorte une photo de la situation actuelle », résume Laurence Régnier, coprésidente du CQT aux côtés de Rachel Morse. Celle qui a d’abord assisté aux consultations dès 2018 en sa qualité de comédienne de la relève le voit aussi comme « un bon moyen de communication pour l’ensemble du milieu afin de susciter des collaborations nouvelles », reconnaissant également l’ampleur des transformations à apporter.

Entre l’écoresponsabilité et la gestion des ressources humaines, le développement des publics et la circulation des oeuvres à travers le territoire, les chantiers importants ne manquent pas… mais ne peuvent se concrétiser tous à la fois. « Notre milieu est diversifié et complexe, souligne Laurence Régnier, et la réalité d’un jeune comédien, d’une compagnie et d’un diffuseur n’est pas la même. Mais à travers tout ce long processus, plusieurs choses ont fait l’unanimité, et les enjeux importants devront être abordés rapidement. » Si la coprésidente du CQT admet que le milieu théâtral souffre d’une fatigue pandémique, il est aussi très mobilisé autour de ce plan destiné « à façonner notre art pour mieux toucher les coeurs ».

Une responsabilité individuelle et collective

Directeur général du Théâtre Périscope à Québec depuis juin 2021, Frédéric Guay constate que « ce beau travail d’introspection » s’avère « énorme » sous certains aspects, « mais étalé sur dix ans, il est beaucoup plus réaliste ». Selon lui, « chaque institution doit travailler selon ses possibilités, ses priorités et ses ressources », une position que Laurence Régnier partage, réitérant que c’est un plan « conçu par les gens du milieu, et pour le milieu ».

Pour celui qui évolue dans le monde culturel depuis 25 ans, entre autres à Montréal et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec se présente à la fois « comme une grande ville et un petit écosystème théâtral ». « Nos théâtres ne peuvent pas être nécessairement en compétition, mais complémentaires », reconnaît Frédéric Guay. Un dialogue constant entre les compagnies « pour éviter les redites et mutualiser les ressources » demeure une priorité pour celui qui déplore que la culture soit « depuis des années en mode survie, obligée de toujours faire plus avec moins ».

Le Plan directeur représente aussi une invitation à faire mieux, notamment en matière de diversité et d’inclusion. Les gouvernements doivent prendre acte de cette initiative lancée par le CQT, selon Frédéric Guay. « Nous avons travaillé sur nous-mêmes, nous sommes prêts à faire des efforts, mais l’État doit nous en donner les moyens. Est-il réaliste d’avoir une politique de cybersécurité semblable à celle du Mouvement Desjardins, ou d’écoresponsabilité si cela signifie moins de soutien aux artistes ? »

Pour Laurence Régnier, le Plan directeur pourrait se comparer « à un livre dont vous êtes les héros ». Mais, tient-elle à préciser, « la responsabilité est aussi individuelle que collective ».

Un don pour la création

En mars 2020, le rideau tombait brutalement sur les arts de la scène, réduisant les créateurs au silence pendant une trop longue période. Les spectateurs privés de représentations étaient alors invités à transformer le coût de leur billet en geste solidaire. L’automne dernier à Québec, un appui comparable a pris forme avec une initiative lancée par des établissements incontournables de la capitale : le Trident, Le Diamant, le Périscope, La Bordée et Premier Acte. Au-delà des bravos, « Le théâtre, bien plus qu’un billet » invite le public à donner un petit coup de pouce financier au moment de payer sa place, question de nourrir la création et d’appuyer les artistes de la relève. Un don, certes, mais aussi un beau pari sur l’avenir théâtral.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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