Bâtir des ponts entre grands centres et régions

Gabrielle Tremblay-Baillargeon
Collaboration spéciale
La pièce Une journée, récente coproduction du Théâtre À tour de rôle, à Carleton-sur-Mer et de la compagnie Tableau Noir, basée à Montréal
Photo: Emmanuelle Bois Lumiphoto La pièce Une journée, récente coproduction du Théâtre À tour de rôle, à Carleton-sur-Mer et de la compagnie Tableau Noir, basée à Montréal

Ce texte fait partie du cahier spécial Théâtre

Le théâtre hors des grands centres est vivant et toujours présenté devant un public curieux. Pourtant, des acteurs du milieu théâtral en région élèvent la voix pour faire connaître leurs défis particuliers. Parmi ceux-ci, la difficulté d’accueillir les productions de Montréal et de Québec chez eux… et vice-versa.

Benoît Lagrandeur, directeur artistique du Théâtre La Rubrique, à Saguenay, est transparent par rapport à sa situation. « Ici, en région, les défis sont vraiment énormes », énonce-t-il d’entrée de jeu. Pour recevoir des productions des grands centres en tournée dans les régions, qu’elles soient éloignées ou non, il faut du personnel, de l’équipement et du financement, trois impératifs qui semblent assez difficiles à réunir. La pénurie de techniciens formés, qui sévit partout dans la province, s’ajoute ainsi à celle de l’équipement technique. Nécessaire à la diffusion de spectacles pensés dans la métropole et la capitale, celui-ci manque à l’appel dans certaines salles de nos régions.

Pascale Joubert, directrice générale et artistique du Théâtre À tour de rôle, situé à Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, connaît bien le problème. « Ici, nous n’avons pas de lieux ou d’établissements de formation. Il faut aller chercher des travailleurs et des artistes à l’extérieur, ce qui entraîne des frais de transport, d’hébergement et de per diem qui deviennent faramineux pour nous », explique-t-elle.

Des défis financiers

Mme Joubert consacre près de 30 % de ses budgets annuels aux questions de transport et d’hébergement — une réalité propre à sa région éloignée qui, on le devine, circonscrit considérablement sa programmation. « En général, j’essaie de travailler avec des gens qui sont déjà en tournée parce qu’ils profitent déjà de soutien financier pour leurs déplacements. Il me serait impossible d’accueillir du monde et de payer moi-même le transport et l’hébergement chaque fois », relate-t-elle.

Les frais s’accumulent, donc, mais les subventions allouées aux théâtres régionaux, elles, ne bougent pas — et le prix des billets reste moins élevé qu’en ville, même pour des productions du même acabit. « Ici, les gens vont être prêts à payer le gros prix seulement si nous avons une grosse tête d’affiche dans notre spectacle », indique Benoît Lagrandeur.Les têtes d’affiche permettent également une couverture médiatique en dehors de la région, qui, autrement, est « absolument inexistante », marque M. Lagrandeur, aussi codirecteur artistique du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, l’un des événements du genre les plus importants au pays et qui est pourtant peu ou pas couvert par les grands quotidiens année après année.

Tisser des liens

Ce triste constat soulève un point important : le sentiment d’une communication ardue entre les grands centres et les régions. « Les gens de Montréal et de Québec ont une méconnaissance terrible des réalités en dehors de leurs centres », poursuit Benoît Lagrandeur sans équivoque.

Pascale Joubert abonde dans ce sens. « Nous avons parfois l’impression qu’en région, nous sommes des déversoirs de productions montréalaises, mais nous sommes plus que cela ! » martèle-t-elle, soulignant au passage que la création artistique à Carleton-sur-Mer, foncièrement vivante, cherche elle aussi à naviguer au dehors de son sein. Pascale Joubert mentionne la grande compétitivité du milieu montréalais (et de celui de Québec), où les petites compagnies de nos régions peinent à se tailler une place, aussi foisonnantes soient-elles.

« L’un de mes rêves est de pouvoir faire comprendre qu’il y a un pôle de théâtre de création ici, en Gaspésie, et que nous sommes ouverts aux échanges et aux partenariats avec les grands centres », souligne Mme Joubert, qui accueille d’ailleurs des artistes dans le cadre de résidences de création dans son théâtre au bord de la mer. De la ville au-dehors, donc, mais aussi de l’extérieur vers l’intérieur, le théâtre d’ici souhaite s’ouvrir aux autres… et à lui-même.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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