«Pacific Palisades»: au-delà du réel

Evelyne de la Chenelière dans la pièce «Pacific Palisades», présentée au Théâtre d’Aujourd’hui
Photo: Nicolas Descôteaux Evelyne de la Chenelière dans la pièce «Pacific Palisades», présentée au Théâtre d’Aujourd’hui

C’est à un séduisant jeu fictionnel que convie Pacific Palisades. La création de Guillaume Corbeil prend assise dans le réel pour mieux nous entraîner dans un récit à tiroirs. La pièce solo s’appuie sur une mise en abyme principale où le protagoniste, un auteur nommé Guillaume Corbeil, est fasciné par un mystificateur de Los Angeles, Jeffrey Alan Lash, qui se prétendait à moitié extra-terrestre.

Parti enquêter dans la ville des illusions sur l’arnaqueur aux faux noms, il se coule lui-même dans des identités d’emprunt. Le personnage, que sa compagne vient de quitter, découvrira lors de cette recherche, qui devient une sorte de jeu de miroirs, son propre fantasme de s’évader de lui-même, de trouver refuge dans l’altérité.

Dans cette réflexion sur une époque où, pour plusieurs, les croyances ont préséance sur la réalité, l’auteur de Tu iras la chercher et de Cinq visages pour Camille Brunelle continue donc de creuser son sillon thématique sur l’identité, mais dans une forme renouvelée. On est un peu ici dans le territoire de Philip K. Dick — référence citée dans la pièce : au sein d’un monde parano où la réalité en cache une autre. Un texte où les diverses pistes se font écho dans un ensemble cohésif, mais intrigant, un récit qui forme une boucle.

Totale maîtrise du jeu

 

Le spectacle, habilement orchestré par Florent Siaud, adopte d’abord la forme d’une conférence documentaire, où, devant un lutrin, l’interprète qui se présente comme Guillaume Corbeil exhibe des signes du réel : photos, livres que le dramaturge a vraiment écrits.

Mais le choix d’une comédienne pour porter ce solo impose d’emblée le brouillage entre réalité et fiction sur lequel joue brillamment Pacific Palisades, tout en reflétant le trouble identitaire du personnage.

En totale maîtrise du jeu, Evelyne de la Chenelière campe avec sobriété l’interprète qui monologue, et se glisse par des transitions subtiles dans la peau des autres personnages, féminins, qu’elle fait vivre de façon convaincante.

Le dispositif scénographique conçu par Romain Fabre — qui sert aussi d’écran aux vidéos de David B. Ricard, se déploie progressivement, reflétant le protagoniste en constante transformation. C’est lorsque Guillaume emprunte pour la première fois une autre identité, personnifiant son ex-blonde sur Facebook, que l’un des trois panneaux s’ouvre d’abord. Au lieu de l’enquêteur sur un fabulateur, le personnage devient peu à peu le protagoniste de sa propre quête existentielle, se perdant dans les identités. Finalement, Pacific Palisades révèle les sirènes parfois trompeuses des fictions que les humains inventent, tout en illustrant éloquemment la force du récit imaginaire.

Pacific Palisades

Texte : Guillaume Corbeil. Mise en scène : Florent Siaud. Création des Songes turbulents, en coproduction avec l’Espace Jean Legendre et le Théâtre du Trillium. À la salle Jean-Claude-Germain, jusqu’au 5 novembre

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