«Le cas Nicolas Rioux», satire du tribunal populaire

Élu parmi une quarantaine de projets pour être présenté en formule 5 à 7 dans les coulisses du théâtre Duceppe, Le cas Nicolas Rioux brasse des sujets très actuels. Erika Mathieu — lauréate d’un prix Gémeaux pour son émission numérique jeunesse Nomades — a choisi un microcosme très localisé pour incarner ces larges thèmes : dérive des médias sociaux, jugement populaire, culture du bannissement, extrémisme des discours.
La pièce reproduit, avec une attention amusante portée aux détails de la procédure, une séance « extraordinaire » du conseil municipal d’une petite ville, convoquée parce que le dramaturge embauché par le centre culturel aurait usé d’appropriation culturelle. Mais ce débat entourant un texte que personne ne semble avoir lu en entier se révèle bientôt être un procès de l’auteur absent. Un enfant du pays revenu chez lui après avoir tenu un petit rôle dans une télésérie à Montréal, cette « capitale des péteux de broue »…
Vindicte populaire tous azimuts
En moins d’une heure, le texte opère une efficace succession de retournements, et de surprenants changements de ton. On a d’abord droit à une entrée en matière très conviviale, le spectacle mis en scène par Patrick R. Lacharité tirant fort bien parti du contexte 5 à 7 et de la proximité entre scène et salle : les sandwichs offerts à la collation sont intégrés dans le récit, et les comédiens s’adressent aux spectateurs comme si ceux-ci assistaient au conseil. La conseillère de Manon Lussier et le maire très bonhomme campé par un crédible François Trudel se prêtent notamment au jeu.
Puis la séance dégénère — faisant dériver le récit hors du réalisme. La pièce s’avère visiblement une satire des condamnations hâtives et excessives qui font rage sur les réseaux sociaux. L’autrice pousse la démonstration à fond, dépeignant un groupe qui s’emporte jusqu’à réclamer des punitions démentielles. Exprimer ces déclarations à haute voix, plutôt que dans le monde virtuel, paraît en exacerber encore le caractère outrancier. Un ultime revirement verra la vindicte populaire trouver un ennemi plus approprié — justifiant ainsi sa hargne ? Cela reste un peu ambigu.
Le cas Nicolas Rioux illustre éloquemment qu’il est beaucoup plus facile d’être virulent en l’absence physique de l’intéressé et que, souvent, la violence des débats a peu à voir avec le sujet discuté, sur lequel certains possèdent peu d’informations… On découvre ainsi une rancoeur personnelle ou des préjugés qui sous-tendent les interventions émotives des personnages joués avec conviction par Joëlle Paré-Beaulieu, Christophe Payeur et Alex Trahan. Le constat de la pièce n’a peut-être rien d’inédit, mais sa charge satirique porte.