«Fondant», un spectacle sucré-salé

On accueille avec plaisir le retour de la formule conviviale des 5 à 7 à La Licorne, signe peut-être d’une certaine normalité retrouvée. Ce contexte décontracté, intimiste — qui permet, rappelons-le, de savourer à la fois une courte pièce et un petit encas — peut aussi fournir un bon banc d’essai pour jeunes artistes. Avec Fondant, le Théâtre Bistouri fait place au premier texte de Pascale Marineau, monté par une comédienne, Rose-Anne Déry. Une signature toute féminine pour une pièce qui traite ultimement des relations entre les sexes.
Le spectacle débute pourtant de manière plutôt anodine, et dans un environnement à l’allure tout ce qu’il y a de plus inoffensif : le décor très mignon, rétro, d’une pâtisserie aux teintes vives, conçu par Anne-Sophie Gaudet. En ce jour de tempête hivernale — une température qui ne se reflète guère dans le costume du client —, La Bibitte à sucre est désertée. Seul un homme est venu s’y réfugier. Il s’incruste, sans pourtant rien acheter, et entame une conversation avec l’employée. Un échange fait de propos futiles, de badinages, de plaisanteries, mais aussi de malaises croissants, entre la pâtissière pleine de bonne volonté et le visiteur nerveux, pataud, aussi maladroit verbalement qu’il l’est physiquement. On sent qu’il cache quelque chose. Que veut vraiment ce client qui n’en est pas un ? Est-il simplement gauche dans sa façon de démontrer son intérêt amoureux ?
D’abord banale, la situation finit par basculer dans une dimension plus inquiétante, nourrie par l’isolement de la femme et le manque de transparence de son hôte, qui impose sa présence. Un virage pas si aisé que l’autrice réussit à opérer. Le texte, qui joue volontiers sur les métaphores culinaires (les relations humaines sont pareilles à la confection des meringues, dit-on : délicates et faciles à rater), apparaît d’abord comme une gâterie légère et sucrée, puis évolue vers un mets plus consistant et protéiné. Une illustration habile de rencontre emplie d’ambiguïtés et de non-dit, de laquelle sourd un danger potentiel.
Marianne Dansereau campe avec un dynamisme souriant un personnage direct et très ouvert. À l’opposé, Marc-André Thibault endosse avec conviction les hésitations, l’agitation du visiteur. D’abord affichant sa vulnérabilité, le comédien devient assez glaçant dans ce personnage qui conserve une part de son mystère.