Un quart des comédiens anglophones ont quitté le milieu du théâtre

Flavie Boivin-Côté
Collaboration spéciale
Tranna Wintour lors de son spectacleTrantasy au Festival St-Ambroise Fringe de Montréal, en 2015
Photo: Cindy Lopez Tranna Wintour lors de son spectacleTrantasy au Festival St-Ambroise Fringe de Montréal, en 2015

Ce texte fait partie du cahier spécial Théâtre

Amy Blackmore a toujours été très impliquée dans le milieu du théâtre anglophone à Montréal. Directrice générale et artistique du Théâtre MainLine, directrice générale du Festival St-Ambroise Fringe de Montréal et du festival Bouge d’ici Dance, la comédienne et chorégraphe de danse contemporaine connaît sa communauté par cœur.

« La communauté du théâtre anglophone à Montréal est une communauté très résiliente, affirme-t-elle. On en a besoin pour survivre au Québec. Quelque part, cette habitude nous a aidés à traverser la pandémie. »

L’artiste multidisciplinaire raconte que jusqu’en 1991, année de création du festival Fringe de Montréal, il y avait très peu d’endroits où pouvaient se produire les artistes anglophones. Amy Blackmore souligne que l’impact le plus important de la période pandémique sur les artistes anglophones touche leur santé mentale, et que de plus en plus d’artistes québécois anglophones font le choix de quitter la profession, voire le Québec.

Les chiffres lui donnent raison : la Quebec Drama Federation (QDF) enregistre cette année le nombre de membres le plus bas de son histoire. Toujours selon la QDF, la pandémie aurait contribué à la perte de plus de 25 % des membres de l’organisation, soit d’une centaine de personnes.

« J’ai une amie qui m’a dit “Amy, je lâche le théâtre. Je m’en vais travailler pour un service de traiteur. C’est trop difficile, je n’ai plus de travail.” Et elle est loin d’être la seule, nous confie Mme Blackmore. Les artistes doivent mettre en veilleuse leur rêve de fonder des familles parce que c’est un milieu trop incertain. Ce sont des montagnes russes à longueur d’année ! »

Deux milieux, deux couvertures différentes

 

Aujourd’hui vice-présidente du Conseil québécois du théâtre (CQT), Amy Blackmore croit que l’avenir du théâtre repose sur la relève et que le milieu culturel québécois devrait être mieux adapté à l’accueil des jeunes artistes. Alors que ceux-ci se réjouissent de la réouverture des théâtres, elle note cependant que les théâtres francophones ont ouvert leurs portes plus tôt que les théâtres anglophones.

« Les informations que vous entendez en français ne sont pas les mêmes que celles que l’on reçoit en anglais, note-t-elle. Il y a une différence dans la manière dont les faits sont rapportés. Je crois que c’est pour ça que le milieu anglophone a hésité aussi longtemps à rouvrir ses portes. »

À cette hypothèse, Mme Blackmore ajoute le fait que les artistes et les compagnies professionnelles anglophones ne travaillent pas avec l’Union des artistes (UDA), mais avec une association d’acteurs canadiens, Equity, gérée de manière complètement différente. Selon l’artiste, « ce n’est pas parce qu’un des deux syndicats donne le feu vert à la reprise des répétitions et des tournages que l’autre va se mettre dans ses pas ».

Afin de remédier au clivage qui semble exister entre le milieu francophone et le milieu anglophone, certaines institutions ont décidé de collaborer avec leurs homologues anglophones, tels le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) et le Centaur Theatre. Cette union a donné naissance, entre autres, à la pièce Embrasse de Michel Marc Bouchard, mise en scène par Eda Holmes et jouée sur la scène des deux théâtres au mois de septembre dernier.

Un milieu engagé

 

De son côté, Amy Blackmore veut aider les artistes locaux en augmentant cette année le nombre de compagnies locales qui participeront au festival Fringe. Même si l’artiste tente, au meilleur de ses capacités, de faire une nouvelle place aux artistes de la relève, elle constate néanmoins que la tâche ne sera pas facile après deux ans de pandémie.

« Beaucoup d’artistes ont écrit des spectacles durant la pandémie, illustre-t-elle. Aujourd’hui, ils veulent tous les jouer et ça crée une sorte de bouchon pour les producteurs. Nous n’avons pas les ressources pour accueillir tous les projets, loin de là. »

Malgré tout, Mme Blackmore est convaincue que l’esprit de créativité et d’autoproduction qui caractérise le milieu culturel anglophone du Québec contribuera à préparer un avenir brillant pour les jeunes artistes. « Je crois vraiment que le futur, c’est de l’art avec un impact social, notamment du point de vue de la diversité, conclut-elle. Or, nous serons toujours ouverts à la diversité parce que nous faisons partie de cette riche diversité qui coexiste au Québec. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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