Pratiquer des ouvertures à la soirée de clôture du Festival du Jamais Lu

Gabrielle Côté (à gauche), Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo et Étienne Lou veulent recréer le tissu social.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Gabrielle Côté (à gauche), Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo et Étienne Lou veulent recréer le tissu social.

La metteuse en scène Gabrielle Côté avoue candidement qu’elle ne connaissait pas la plupart des artistes de la soirée dont on lui a confié la direction : « C’est en grande partie pour cette raison que j’ai accepté ! La mission consistait à dégager un fil conducteur entre les prises de paroles, ce qui impliquait d’aller à la rencontre d’êtres humains passionnants, je ne pouvais certainement pas refuser. »

Ainsi, en guise de conclusion du 20e Festival du Jamais Lu, qui bat son plein Aux Écuries depuis le 19 août, on a choisi de présenter le 28 août une Soirée des ouvertures qui réunira une dizaine de jeunes artistes, pour la plupart accompagnés d’une personne avec qui ils et elles veulent « penser la suite du monde ».

Pour Étienne Lou, qui prend part à la soirée de clôture tout en faisant partie de la cellule artistique du Festival avec Fanny Brossard-Charbonneau, Marcelle Dubois, Bibish Marie Louise Mumbu et Anne-Marie Olivier, il s’agissait d’offrir la tribune à la nouvelle génération : « On voulait que les jeunes prennent d’assaut la scène, que le Jamais Lu renouvelle son contrat avec la jeunesse. »

Retrouver la scène, après en avoir été privé, est pour plusieurs un geste sacré, mais la soirée comporte plusieurs incarnations du sacré, à commencer par une véritable cérémonie vaudoue

Une manière d’ouvrir des portes sur l’avenir ? « Certainement, reconnaît le comédien. On n’avait surtout pas le goût de clôturer ou de fermer quoi que ce soit, pas le goût d’imposer des contraintes. Disons qu’on a tous été suffisamment enfermés ces derniers temps. »

Jeter des ponts

 

Gabrielle Côté, qui a déjà cosigné la mise en scène de deux spectacles poétiques célébrés, ATTENTAT et Je me soulève, a cherché une fois de plus à jeter des ponts entre des fragments éclectiques : « J’ai voulu que cette soirée, dont le sous-titre est “Tribune solennelle pour mondes nouveaux”, contribue à recréer le tissu social, qu’elle permette de donner naissance à des moments de communion, de symbiose, à des retrouvailles, des rencontres qui nous ont cruellement manqué depuis le début de la pandémie. On a besoin d’être ensemble, on a soif de ça. »

On assure que chaque prise de parole exprime le désir de rétablir un lien. « Un lien avec le public, explique Côté, mais aussi avec un individu, une entité, ou encore un objet auquel l’artiste s’adresse directement. Et devant témoins. Bien entendu, parce que durant la dernière année, les deuils ont été nombreux, le sujet remonte souvent à la surface, mais il est bien davantage question des espoirs que l’avenir suscite, de quelques sources de lumière qui devraient nous guider pour la suite. »

Pour Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo, originaire de Val-d’Or et ayant comme parents une mère allochtone et un père autochtone de la nation anichinabée, l’occasion était trop belle de s’adresser à un être cher : « Pour guérir des blessures du passé, je pense qu’il est essentiel d’aller vers l’avenir. C’est pourquoi j’ai décidé de convier mon père, un survivant des pensionnats âgé de 72 ans, à prendre part à cette expérience avec moi. »

Alors que son père n’a pas été très présent dans son passé, l’artiste et activiste souhaite qu’il le soit maintenant et dans son futur : « J’ai tant de questions à lui poser, notamment sur l’anishnabemowin, une langue vivante, non genrée, tellement animée, qui décrit si bien le territoire et les émotions. Mon prénom, Kijâtai, qui signifie une belle journée ensoleillée, c’est mon père qui l’a choisi. Je sais que c’est très personnel ce que je m’apprête à dévoiler, mais je trouve qu’il y a une certaine beauté dans le fait d’offrir sa vulnérabilité. »

Sur tous les tons

 

Le rôle que Gabrielle Côté a choisi de s’attribuer dans l’aventure, c’est un peu celui d’une journaliste. « J’ai vite ressenti le besoin de donner au public un accès au processus des artistes, à leurs démarches, à leurs intentions, à leurs convictions et à leurs doutes. C’est pourquoi j’ai réalisé avec eux de brèves entrevues qui seront diffusées dans la salle et permettront au public d’entrer dans les coulisses de la création, de voir d’où elle provient. »

Karl-Henry Brezault, Maxime Brillon, Irdens Exantus, Carolanne Foucher, Charles-Aubey Houde, Nasim Lootij, Solène Paré et Zoé Tremblay-Bianco ont été notamment interrogés par la metteuse en scène à propos du sacré. « Chacun a une définition fort différente de ce qui est sacré, explique-t-elle. Retrouver la scène, après en avoir été privé, est pour plusieurs un geste sacré, mais la soirée comporte plusieurs incarnations du sacré, à commencer par une véritable cérémonie vaudoue. »

On nous promet du contraste : des numéros verbeux et d’autres muets, des moments très graves et d’autres complètement loufoques, des réflexions bien concrètes et d’autres qu’il vaut mieux recevoir au second degré, des prises de parole sur les sujets les plus divers, de la dépression à la transidentité en passant par les vertus du cannabis. En somme, de quoi rejoindre le plus grand nombre.

« Ce spectacle, explique Étienne Lou, c’est un geste qu’on pose pour demain, dans l’espoir de contribuer à un changement. Le jour du lancement du Festival, j’ai ressenti une vive émotion en voyant autant de gens de différentes communautés culturelles réunis dans un théâtre. C’était magnifique, tellement représentatif de la richesse de notre tissu social, porteur de beaucoup d’espoir. »


Soirée des ouvertures, Tribune solennelle pour mondes nouveaux

Mise en scène : Gabrielle Côté. Une production du Festival du Jamais Lu. Aux Écuries, le 28 août : en présentiel dans L’Arène, en vidéo diffusion dans le LAB2M et en web diffusion sur le site du Jamais Lu.

À voir en vidéo