«Le trésor»: s’inventer un monde

La pluie tombe doucement sur une jolie maison bordée de haies fleuries. Depuis la fenêtre à carreaux, deux enfants laissent voir leurs minois, ainsi que celui de leur chat. Puis, par un tour de magie scénographique — scénographie signée ici par Richard Morin —, nous entrons à l’intérieur de ce cocon où les petits vont rapidement transformer la grisaille de la journée en une fête de tous les instants.
Avec Le trésor, toute nouvelle production de PPS Danse — qui fête ses 30 ans cette année —, le fondateur, directeur artistique et chorégraphe Pierre-Paul Savoie explore avec sensibilité l’univers créatif des enfants. Sur une scène enveloppée d’une lumière bleutée au centre de laquelle se tient la maison, les petits — joués avec candeur par Nicolas Boivin et Audray Julien — s’adonnent tout en riant à diverses cabrioles jusqu’à ce que la fillette lance un « Si j’avais… », leitmotiv qui servira d’amorce à tous les jeux inventés au cours de leur journée. Chacun de ces jeux, que ce soit le moment de lecture, une séance de déguisement ou le rappel subtil du jeu Twister, est présenté de façon chorégraphique, essence de la compagnie, ce qui ajoute beaucoup de douceur et d’esthétisme à l’ensemble. Chaque tableau nous transporte dans un nouvel univers facilement identifiable par les spectateurs grâce au jeu tout en souplesse des comédiens-danseurs, mais aussi grâce à la musique qui accompagne chacune des scènes. En plus de quelques chansons de Vigneault, Leclerc et Léveillée, interprétées avec douceur par Alexandre Désilets, Lise Vaillancourt crée de nouveaux textes sur des musiques d’Alexis Dumais et de Désilets. Cette trame musicale fait toutefois beaucoup plus qu’accompagner le jeu des comédiens, elle devient un personnage en soi. Sans elle, le fil des événements ne serait pas aussi évocateur. Autre personnage tout aussi important de la pièce, le chat, marionnette à baguette maniée plus ou moins adroitement, joue néanmoins un rôle essentiel dans l’histoire, complice attachant des enfants jusqu’à la fin.
Apprécier l’ennui
Esthétiquement et artistiquement très belle, la pièce peut malheureusement sembler parfois traîner en longueur en raison de quelques épisodes moins enlevants. Mais cette lenteur vient appuyer adroitement les moments d’ennui d’une journée de pluie. En contrepartie, plusieurs tableaux suscitent l’attention, notamment celui où le fidèle félin, déguisé en Chat botté, a fait éclater la Cinquième salle de la Place des Arts de mille fous rires bien sentis.
Fort d’une mise en scène poétique et culturellement très riche, Le trésor est par ailleurs soutenu de la scénographie épurée et ingénieuse de Richard Morin, une structure mobile qui se transforme au gré des jeux des comédiens. La finale, présentant les deux enfants assis devant l’immensité d’un ciel étoilé, laisse voir et entendre toute la force de l’imaginaire déployé.