«Revue et corrigée 2019»: quinze ans et (pas) toutes ses dents

Quinze années déjà que Revue et corrigée passe l’actualité au tordeur. La rétrospective du Théâtre du Rideau vert reconduit annuellement sa formule gagnante mixant sketchs parodiques et numéros chantés. Et encore cette fois, le dynamique spectacle déroule un feu roulant, bien rodé, de tableaux servis par des personnifications généralement au point. Mais on a connu des éditions plus fortes, plus drôles. Sur le plan des textes, l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous. Plusieurs parodies semblent un peu molles ou en mal de punch final.
À l’inverse, je donnerais la palme de ce Revue et corrigée 2019 au gag récurrent de « l’encan des cochonneries » de l’année. Une façon ingénieuse de lancer une série de piques acides sur divers dossiers d’actualité, de Don Cherry au scandale Desjardins. Autre bonne idée très bien exécutée : le duo Andrew Scheer-Stephen Harper, qui détourne une légendaire publicité télévisée.
La drôlerie de plusieurs numéros s’appuie plutôt sur les prouesses de sa distribution, voire émane du plaisir de découvrir qui caricature quelle personnalité. On peut compter sur le toujours délirant Marc St-Martin — spécialiste des pairages improbables — en Michel Bergeron, entre autres, Suzanne Champagne connaît son moment de gloire avec Elizabeth May, Julie Ringuette confond en Coeur de Pirate (mais sa Céline, toujours fabuleuse, est un peu gaspillée). Le nouveau venu François Parenteau convainc en Harper ou en… Denise Bombardier. Quant à l’autre recrue, Martin Vachon, il s’est vite imposé avec force, qu’il campe un encanteur cynique, André Sauvé ou Alexis Brunelle-Duceppe dans une scène qui recrée le mémorable duo père-fils de la soirée électorale. Un sympathique numéro qui faisait d’autant plus d’effet, lors de la première, que les deux politiciens étaient dans la salle…
Le divertissement se veut d’abord consensuel. Même un thème potentiellement miné comme la loi 21 est revisité par le gentil Passe-Partout — un flash intéressant par son contraste —, ce qui nous vaut une visite de « Passe-Bâillon » (Simon Jolin-Barrette). Avouons toutefois que cette marionnette voilée prénommée… Fatwa laisse pour le moins songeur.
L’environnement — un « beau passe-temps », comme le qualifie ici un François Legault campé en mononcle très Roger Bontemps — tient une place importante dans le show, de l’incontournable Greta Thunberg à nos propres contradictions de consommateurs prétendument écolos. Sinon, la revue a beau couvrir un large terrain de sujets, la planète s’y résume pas mal au Québec. L’actualité internationale manque à l’appel, même l’omniprésent Brexit. L’exception consiste en une apparition du président Trump, dont on aurait pu se passer. Trop parodié partout, déjà caricatural en soi, et héritant ici d’un texte qui tombe à plat, aux côtés d’un Maxime Bernier assez peu décapant.
Notons en terminant que, pour la première fois, le spectacle sera présenté dans la Vieille Capitale, en janvier. Et les sujets du maire Labeaume n’ont pas été oubliés, pas plus qu’une certaine oeuvre d’art controversée…