«Tout inclus»: la sagesse des anciens

Directeur de la compagnie Un et un font mille depuis 2012, François Grisé prend un malin plaisir à poser des questions délicates et à montrer ce qu’on a l’habitude de cacher. Son plus récent spectacle, un théâtre documentaire coproduit par Porte Parole, n’échappe pas à la règle. Incursion sensible dans les couloirs d’une résidence privée pour aînés, exploration nécessaire d’un enjeu criant d’actualité, Tout inclus informe et attendrit, inquiète et réconforte, suscite le rire aussi certainement que l’introspection.
Mis en scène par Alexandre Fecteau, dont les créations avec le collectif Nous sommes ici ont toujours eu un caractère documentaire, le texte a été élaboré par Grisé à partir d’entrevues qu’il a réalisées au cours des soixante jours qu’il a passés aux Jardins du Patrimoine, une résidence pour personnes âgées autonomes située à Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue. Il y est question de vieillissement, cette défaillance du corps ou de l’esprit qui entraîne le déménagement, mais surtout de ces liens amoureux, amicaux et familiaux qui, plus que tout, donnent un sens à la vie.
Le quarantenaire, qui tient sur scène son propre rôle, est entouré de Marie Cantin, de Marie-Ginette Guay et d’André Lacoste, qui incarnent avec brio l’ensemble des résidents, se métamorphosant continuellement et de manière toujours convaincante. Après avoir fourni quelques statistiques pour le moins frappantes sur le vieillissement de la population québécoise, les comédiens entreprennent de prêter vie à des êtres humains que la mort guette. En les regardant, en les écoutant, on ne peut s’empêcher de penser au déclin de nos proches, et bien entendu au nôtre.
Comme dans J’aime Hydro, l’empathie est immédiate envers le personnage principal, pour son histoire personnelle aussi bien que pour ses questionnements sociologiques. Cette complicité tient à la qualité du texte, à l’efficacité de la mise en scène, au pouvoir d’évocation de la scénographie et à la justesse du propos, mais aussi, beaucoup, au jeu de Grisé. On s’émeut de la relation que le héros développe avec les résidents, ces philosophes en marchettes qui voient la mort venir, des hommes et des femmes dont les réflexions souvent fort lucides nous vont droit au coeur, mais également de la relation téléphonique qu’il entretient avec ses parents vieillissants, qui vivent eux aussi dans une résidence pour personnes âgées.
Il faut savoir que le spectacle d’une heure et quarante-cinq minutes présenté à la Licorne en ce moment, résultat de plus de deux ans de travail, ne constitue qu’une première mouture. La version intégrale, qui fera plus ou moins trois heures et contiendra le fruit d’une enquête socio-économique réalisée auprès d’experts, sera donnée au Périscope en avril. Finalement, notez que toutes les représentations de Tout inclus sont audiodiffusées, en direct et gratuitement, sur le site de Porte Parole.