«L’éducation de Rita»: la leçon

Par une curieuse coïncidence, deux théâtres montréalais présentent simultanément des oeuvres connues par leur passage au cinéma dans les années 1980, et qui abordent la transmission de connaissances. Dans chacune, on peut aussi voir un personnage d’enseignant évoquer la standardisation que produirait un certain moule pédagogique, au détriment de l’individualité de l’étudiant. Mais là s’arrêtent les parallèles avec La Société des poètes disparus…
L’éducation de Rita, elle, est née sur scène, en 1980. La comédie dramatique étale le classique choc de cultures entre deux personnages désassortis : une coiffeuse de 29 ans ignorante, mais à l’intelligence vive, et le professeur alcoolique, revenu de tout, qui lui apprend la littérature dans un cours de « l’Université populaire ». Avide d’apprendre, Rita rêve de pouvoir écrire des essais « comme les autres ». Mais Frank est réticent à la voir, inévitablement, changer et perdre cette fraîcheur qui la rend unique. La pièce suit l’évolution de leur relation d’apprentissage, qui est loin d’être à sens unique, durant une année.
Malgré ses aspects caricaturaux, ce texte bavard de Willy Russell comporte des échanges encore intéressants sur la littérature, l’enseignement, et illustre le pouvoir transformateur de l’instruction, avec ses gains et ses pertes. Un sujet qui résonne d’autant plus fort dans la très hiérarchisée Angleterre, où la porte du savoir est difficile à ouvrir (littéralement, dans la pièce…) pour les classes populaires.
Mais la question de l’égalité des chances dans l’accès à l’éducation supérieure est pertinente ici aussi : on apprenait cette semaine qu’un très faible pourcentage d’élèves issus du réseau public ordinaire fréquente l’université au Québec…
Absence d’originalité
L’auteur de Shirley Valentine y montre également un personnage féminin qui s’émancipe d’un mari refusant qu’elle s’instruise. Plus banal — et inutile — est ce sous-texte sexuel entre Frank et Rita, même si celle-ci ne répond jamais à ses avances, tant elle est concentrée sur son objectif. (On pense ici à Oleanna de David Mamet, qui offrait une vision autrement plus complexe et cynique de cette relation prof-étudiante.)
Cette pièce bien tournée, chargée en répliques spirituelles, affiche toutefois une forme très conventionnelle. Datée. Et rien ne vient la bousculer sur la scène du Rideau vert, dans cette production sage, soignée, mais sans surprise. À commencer par le décor, un impressionnant bureau minutieusement reconstitué, qui ne laisse rien à l’imagination.
La metteure en scène Marie-Thérèse Fortin dirige son duo d’acteurs avec clarté. Benoît Gouin est extrêmement juste en homme désenchanté. Si le personnage demeure un peu gros, Émilie Bibeau apporte une présence charmante, dynamique à Rita, et rend sensible sa progression. Une métamorphose aussi visible dans les costumes de Cynthia St-Gelais.
Autrement, pour paraphraser la pièce, c’est là un travail appliqué. Mais où est la personnalité, l’originalité ?