«La Queens’»: triste héritage

Après le décès de leur mère, deux sœurs, Marie-Élizabeth (Marie-Thérèse Fortin, à droite) et Sophie (Dominique Quesnel), entrechoquent leurs irréconciliables points de vue.
Photo: Suzane O’Neill Après le décès de leur mère, deux sœurs, Marie-Élizabeth (Marie-Thérèse Fortin, à droite) et Sophie (Dominique Quesnel), entrechoquent leurs irréconciliables points de vue.

L’auteur Jean Marc Dalpé et le metteur en scène Fernand Rainville sont de retour à La Licorne 13 ans après le bouleversant Août. Un repas à la campagne et 20 ans après l’impitoyable Trick or Treat. On aimerait vous dire que cette longue attente en valait la peine. Or, ce n’est pas du tout le cas. Parsemée de lieux communs et de fausses notes, La Queens’ offre bien peu de raisons de se réjouir.

Campé dans le nord de l’Ontario, le drame aborde des thèmes chers à l’auteur et d’une pertinence indéniable. D’abord et avant tout, il est question d’exploitation. Du territoire aux individus, des ressources naturelles aux richesses culturelles, rien ne semble à l’abri du rouleau compresseur qui poursuit son avancée sur la région avec pour seuls guides les impératifs du capitalisme. Dans un pareil contexte, conserver son patrimoine, son identité et sa langue s’apparente à de la résistance, une quête que mènent, différemment bien entendu, les francophones et les Autochtones.

Pour aborder ces enjeux cruciaux, Jean Marc Dalpé a imaginé une famille dysfonctionnelle dont les membres s’entre-déchirent autour de la vente de La Queens’, un hôtel-motel qui appartient au clan depuis les années 1980. Après le décès de leur mère, deux soeurs, Marie-Élizabeth (Marie-Thérèse Fortin) et Sophie (Dominique Quesnel), entrechoquent leurs irréconciliables points de vue. Autant la première, pianiste de renommée internationale, a tourné le dos à ses origines, autant la deuxième, humble chanteuse de cabaret, y est attachée. Alors que Caroline (Alice Pascual) est là pour représenter sa mère, retenue par une tournée en Russie, Moussa (Hamidou Savadogo), le conjoint de Sophie, fait son possible pour calmer le jeu. Quant à Marcel (David Boutin), c’est le promoteur sans morale déterminé à mettre le grappin sur l’établissement.

Malheureusement, le drame ne trouve jamais son erre d’aller. Le caractère schématique des protagonistes y est sûrement pour quelque chose, mais la mise en scène, souvent maladroite, n’aide en rien. On ne croit pas un seul instant à la détresse psychologique de Caroline, pas plus qu’à sa toxicomanie. On s’explique très mal la duplicité soudaine de Moussa. Quant à Marie-Élizabeth, le rejet de son passé modeste s’incarne de manière tristement caricaturale. Alors que le personnage de Dominique Quesnel est fort bien campé, on se désole que les soeurs ne soient jamais véritablement en présence l’une de l’autre, pour ainsi dire forcées de crever l’abcès et par le fait même d’offrir aux spectateurs une sorte de catharsis.

La Queens’

Texte : Jean Marc Dalpé. Mise en scène : Fernand Rainville. Une production de la Manufacture. À La Licorne jusqu’au 23 février.



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