Théâtre à Montréal: notre carnet de bal hivernal

Chez Denise-Pelletier, Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux adaptent le film «Fanny et Alexandre», somptueuse évocation de l’enfance.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Chez Denise-Pelletier, Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux adaptent le film «Fanny et Alexandre», somptueuse évocation de l’enfance.

L’importance des œuvres européennes s’impose parmi les tendances fortes de la saison hivernale. Étonnamment, deux opus d’Ingmar Bergman trouvent leur chemin sur nos scènes. Chez Denise-Pelletier, Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux adaptent le film Fanny et Alexandre, somptueuse évocation de l’enfance. Au Quat’Sous, James Hyndman signe une première mise en scène avec Scènes de la vie conjugale. L’acteur joue cette célèbre partition sur les déchirements d’un couple avec Evelyne de la Chenelière.

Un autre auteur suédois permet au Théâtre de l’Opsis de clore son cycle scandinave à l’Espace Go. Mis en scène par Luce Pelletier, Strindberg donne la parole aux trois ex-épouses de cet antiféministe féroce, des textes signés par neuf auteures, d’AnaïsBarbeau-Lavalette à Jennifer Tremblay.

Auteurs germanophones sulfureux

 

Félix-Antoine Boutin, qui avait surtout monté ses propres créations jusqu’ici, se frotte à une deuxième œuvre étrangère : Les larmes amères de Petra Von Kant, de Rainer Fassbinder. Un portrait féminin marquant, incarné par la fabuleuse Anne-Marie Cadieux.

Également au théâtre Prospero, Ombre Eurydice, de l’Autrichienne nobélisée Elfriede Jelinek (La pianiste), attise la curiosité. Louis-Karl Tremblay adapte cette réinterprétation féministe du mythe d’Orphée, avec notamment la danseuse Louise Bédard.

Solène Paré, la nouvelle artiste en résidence de l’Espace Go, investit la petite salle pour diriger le cruel Quartett d’Heiner Müller.

Histoire et politique

 

Fruit d’une longue collaboration entre le PÀP, la compagnie Hôtel-Motel et le National Theatre of Scotland, Première neige / First Snow tisse des liens entre deux nations qui ont été tentées par l’indépendance politique. L’ambitieuse aventure dirigée par Patrice Dubois au Quat’Sous mobilise un trio d’auteurs et une distribution issus à la fois d’ici et de l’Écosse.

Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir

Dans ColoniséEs, la percutante Annick Lefebvre (J’accuse) examine le Québec du dernier demi-siècle à travers le regard de Pauline Julien et Gérald Godin — figures omniprésentes de l’année théâtrale. René Richard Cyr y dirige notamment Macha Limonchik et Benoit McGinnis.

Deuxième pièce en quelques mois à traiter du conflit israélo-palestinien après Oslo, La maison aux 67languesprivilégie un ton plutôt absurde. Ce texte du Canadien Jonathan Garfinkel est monté par le nouveau directeur artistique de La Licorne, Philippe Lambert.

Regards neufs sur classiques

 

Grâce au Britannicus de Racine, le jeune metteur en scène Florent Siaud fait sa rentrée au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) aux commandes d’une distribution étincelante. À commencer par Sylvie Drapeau (Agrippine), Francis Ducharme (Néron) et Éric Robidoux dans le rôle-titre.

À Go, Magalie Lépine-Blondeau se mesure à la vengeresse Électre dans une mise en scène de Serge Denoncourt. Evelyne de la Chenelière a réécrit le texte de Sophocle afin d’en faire ressortir « l’esprit » originel.

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir À Go, Serge Denoncourt dirige Magalie Lépine-Blondeau, qui se mesure à la vengeresse Électre, et au TNM, il met en scène la nouvelle création de Michel Marc Bouchard.

À La Licorne, dans une mise en scène de Michel-Maxime Legault, on verra Cr#%# d’oiseau cave, où l’Américain Aaron Posner s’amuse à déconstruire La mouette de Tchekhov afin de réfléchir sur notre rapport à la célébrité.

Jeunes auteures

 

Elles sont particulièrement en vedette au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Dans Lignes de fuite, Catherine Chabot poursuit sa démarche hyperréaliste amorcée dans Table rase. Un portrait de sescontemporains cette fois dirigé par Sylvain Bélanger.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Campé dans un centre jeunesse, «21» allie un texte de Rachel Graton à une mise en scène d’Alexia Burger, notre photo.

Campé dans un centre jeunesse, 21 allie un texte de Rachel Graton (La nuit du 4 au 5) à une mise en scène d’Alexia Bürger (Les Hardings). Aussi à la salle Jean-Claude-Germain, Guérilla de l’ordinaire, de Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent, se penche sur les « violences sexistes ordinaires ».

Doublé Robert Lepage

 

Il y a cet attendu Coriolan qu’il met en scène au TNM et dont Le Devoir vous a déjà parlé. Il y a aussi son bien-aimé solo La face cachée de la Lune, que le comédien Yves Jacques reprend au théâtre Jean-Duceppe.

Créations incontournables

 

En ce qui concerne Parce que la nuit, à Go, il suffit de dire que cette pièce de Dany Boudreault et Brigitte Haentjens nous immerge dans la vie et l’univers artistique de la brillante Patti Smith. Et qu’elle met en vedette Céline Bonnier.

Quant à La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, au TNM, il s’agit de la nouvelle création de Michel Marc Bouchard, mise au monde par Serge Denoncourt. L’auteur des Muses orphelines y dépeint une sommité de l’embaumement (Julie Le Breton) qui revient dans son village à la mort de sa mère.

Expériences des sens

 

Marie Brassard crée à l’Usine C l’un des solos sensoriels dont elle a le secret. Introduction à la violence est décrit comme une « réflexion sur la perception du temps et l’apprentissage de la brutalité ».

Au Quat’Sous, Jérémie Niel, Christian Bégin, Justin Laramée et l’ubiquiste de la Chenelière signent une création à quatre mains, Noir, qui détourne « les mécanismes du polar ». Avec une conception sonore de Sylvain Bellemare, oscarisé pour le film Arrival.

Après l’immersif Local B-1717, Geneviève L. Blais poursuit son exploration in situ en s’inspirant des Enfants terribles de Cocteau. Somnambules a lieu dans une « chambre secrète » de Côte-des-Neiges.

Théâtre et réel

 

Le théâtre de nature documentaire a la cote. Quatrième « spectacle de quartier » d’Espace libre, Home Dépôt : un musée du périssable plonge dans l’univers d’un CHSLD, tiré des rencontres entre 13 auteurs et des résidents de ce lieu mal-aimé.

À la salle Jean-Claude-Germain, Aalaapi donne la parole à cinq femmes originaires du Nunavik, en mariant show et documentaire radiophonique. Et à La Chapelle, Intersections réunit en télé-présence les témoignages de quatre ex-participants de révolutions citoyennes.

L’enfance de l’art

Après Animaux, le Nouveau Théâtre expérimental poursuit son étude de « la notion de présence au théâtre » en portant sur scène d’imprévisibles « interprètes » : des poupons. Ce Bébés, conçu par Emmanuelle Jimenez et Alexis Martin, promet sketchs, témoignages et une réflexion philosophique sur la naissance. À Espace libre.


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