«HROSES: outrage à la raison»: l'amour est dans la langue

Le jour et la nuit se heurtent l’un à l’autre, comme pour souligner les mouvements de total rapprochement et d’intense séparation qui animent les amours passionnés.
Photo: Svetla Atanasova Le jour et la nuit se heurtent l’un à l’autre, comme pour souligner les mouvements de total rapprochement et d’intense séparation qui animent les amours passionnés.

Alors que le songe shakespearien se poursuit dans la grande salle du théâtre Denise-Pelletier, sa petite soeur, la salle Fred-Barry, accueille un délicat contrepoint au faste du grand plateau. Le conte d’amour passionnel raconté de manière éthérée dans la pièce HROSES : outrage à la raison offre un spectacle bilingue joliment froid, parsemé d’étrangeté et s’avérant attendrissant dans ses imperfections.

L’auteure Jill Connell écrit en 2009 une version uniquement anglaise de la pièce, qui est alors jouée à Ottawa et à Edmonton. Avec sa compagnie It Could Still Happen, Connell choisit de mettre en scène une version bilingue du spectacle, qu’elle présente au WaterWorks Warehouse de Toronto, ainsi qu’à Montréal, aux ateliers Jean-Brillant, en février 2017. Encore dominée par l’anglais, la pièce contient maintenant une importante partition française.

Le « hrose » est en fait un horse, un cheval d’abord entraperçu par des projections, puis habitant de façon invisible l’espace qui à la fois sépare et relie une femme à un homme. Le spectacle raconte assez simplement que Lily (Sascha Cole), une anglophone à la gorge coupée travaillant dans une ferme de papier, et Ellery (Frédéric Lemay), un francophone moustachu oeuvrant dans une mine de sucre, tombent amoureux.

Évoquée par la métaphore d’un cheval en liberté, leur liaison se dessine sur scène par des joutes langagières constantes, dotées d’accents absurdes, souvent erratiques, hachurées et contradictoires. L’essentiel de leur idylle se manifeste dans leurs conversations truffées de détours et paraissant télescoper les époques. Les dialogues révèlent quelques secrets, mais dévoilent surtout les textures d’un curieux monde imaginaire.

Les deux langues des protagonistes se rencontrent et alimentent les jeux de double, de miroir et d’opposition qui semblent construire le coeur du spectacle. Le jour et la nuit, tout comme ce qui est sur et sous terre, se heurtent l’un à l’autre, comme pour souligner les mouvements de total rapprochement et d’intense séparation qui animent les amours passionnés.

Après un moment, des situations plus réalistes se développent et une quotidienneté apparaît. Les scènes deviennent plus illustratives, explicatives. Un virage qui fait certes avancer le récit, mais qui bifurque aux dépens du monde poétique flottant des débuts du spectacle. Vers la fin, ce qui était agréablement planant devient précipité, légèrement confus et peut-être même complaisant.

 

Il reste tout de même de HROSES une douce étrangeté. Les jeux d’illogismes, quoiqu’ils ne semblent pas toujours maîtrisés, font emprunter au spectacle des sentiers théâtraux bien séduisants.

HROSES : outrage à la raison

Texte et mise en scène : Jill Connell. Traduction française et dramaturgie : Mireille Mayrand-Fiset. Une production de la compagnie It Could Still Happen, présentée à la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 14 avril.

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