«Moon Missions Lunaires»: toutes les histoires mènent à la Lune

En à peine plus d’une heure, «Moon Missions Lunaires» nous raconte la vie de Wernher von Braun.
Photo: Marianne Duval En à peine plus d’une heure, «Moon Missions Lunaires» nous raconte la vie de Wernher von Braun.

En à peine plus d’une heure, Moon Missions Lunaires nous raconte la vie de Wernher von Braun, de son rôle d’assistant auprès d’un scientifique travaillant sur un film de Thea von Harbou et Fritz Lang à sa participation cruciale à la « conquête » de la Lune par les Américains, en passant par sa collaboration avec les nazis. Les recoins de l’existence de cet homme offrent l’occasion d’explorer les nombreuses coïncidences reliant des personnages historiques et des anecdotes évocatrices, mais la pièce se perd parfois dans les détails.

Derrière un grand mur de tulle, sur lequel sont ponctuellement projetées des images d’archives, les quatre interprètes jouent tour à tour le rôle d’un narrateur. Celui-ci raconte la vie des personnages en scène ainsi que des bribes de celle d’autres acteurs de l’histoire allemande et américaine. Alternant entre anglais et français, les narrateurs décrivent aussi les lieux et les premiers gestes esquissés par les personnages lors des quelques scènes de la pièce. S’en dégage une impression d’un style romanesque, où les voix précisent les situations présentées et expliquent le passé des figures en scène.

Cette narration annonce souvent ce qui sera vu, une dynamique que le théâtre tente habituellement de déjouer ou de transcender. Les créateurs Evan Webber et Pierre Antoine Lafon Simard semblent toutefois adopter cette approche pour nourrir un effet de style, mais aussi pour esquisser l’idée que ce qui se déroule sous nos yeux est déjà écrit et que les interprètes ne font que rejouer l’histoire.

La présence soutenue des narrateurs étoffe également le récit, et s’impose peut-être comme un élément central au spectacle. Cette attention constante aux détails met en tension de nombreuses petites anecdotes témoignant d’étranges synchronicités. Elle dévoile qu’une infinité de liens connectent ces vies ensemble et insinue que nous sommes inextricablement reliés à elles.

Cette espèce d’intégration des notes de bas de page dans un spectacle vivant tisse énormément de liens, mais donne aussi l’impression de rester dans la marge d’un récit. La narration constante occasionne une certaine confusion qui participe à garder le tout en surface.

Entre ces fils qui se croisent et se rattachent, les mots de l’épitaphe du philosophe Walter Benjamin restent en tête : « Il n’y a aucun témoignage de la culture qui ne soit également un témoignage de la barbarie. » La pièce interroge peut-être aussi notre rapport aux héros. Peut-on faire abstraction du passé nazi d’un homme ayant nourri l’avancement de la science à travers son travail sur les fusées ? À quel point ignore-t-on les pointillés de l’Histoire ?

Moon Missions Lunaires

Une histoire d’Evan Webber, mise en scène par Pierre Antoine Lafon Simard. Une production du Théâtre du Trillium, présentée jusqu’au 16 mars à l’Usine C.

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