Théâtre - Hugues Frenette joue Hamsun au Trident

Le comédien Hugues Frenette a eu 30 ans cette année. Grosse année, où on l'a vu jouer dans La Trilogie des dragons, réussir sa première mise en scène (Appuyez sur l'étoile de Christian Vézina) et faire un saut remarqué au petit écran dans la série Grande Ourse. Mais le plus grand défi reste à venir avec l'interprétation d'Ivar Kareno, un jeune philosophe aux penchants fascistes, dans Aux portes du Royaume, que dirige Claude Poissant au Trident.

Écrit en 1895, ce drame psychologique est l'oeuvre de l'auteur norvégien Knut Hamsun (1859-1952), qui a un jour prétendu «n'accorder aucune importance aux pièces de théâtre, seulement à l'argent qu'elles rapportent». L'auteure de ces lignes comptait bien déstabiliser le comédien en glissant cette citation en entrevue, mais Hugues Frenette en a parlé avant. Les autres pièces de Hamsun manquent peut-être d'intérêt, a-t-il mentionné, mais celle-ci est «vraiment très intéressante d'un point de vue psychologique et très bien construite». Aux portes du royaume met en scène Ivar, un jeune savant en quête d'une théorie révolutionnaire, une obsession qui l'isole progressivement du reste du monde, jusqu'à le pousser vers la folie. Voilà un rôle qui n'est pas sans rappeler le personnage de «grand incompris» qu'a joué Knut Hamsun dans la vie et la mort. De lui, l'histoire a principalement retenu deux choses: son Nobel de littérature (1920) et ses sympathies pour Hitler. Sorte de Céline des Norvégiens, il est considéré comme l'un des plus grands écrivains de son temps, mais on hésite toujours à monter ses pièces en Norvège.

Le syndrome de l'étudiant au doctorat

Pour Hugues Frenette, le rôle d'Ivar n'a pas été facile à endosser: «Je n'ai jamais eu à défendre un personnage de façon aussi tranchée. Même dans les discussions avec les acteurs qui incarnent mes rivaux dans la pièce [Paul Hébert et Yves Amyot], il a fallu que je le défende contre la certitude qu'ils avaient que c'étaient eux, les bons. Parce que mon personnage est à droite, on en fait le méchant, c'est lui qui a tort.» Toutefois, selon lui, la politique fait figure de toile de fond dans l'oeuvre. Le véritable noeud dramatique se trouve plutôt dans la relation entre Ivar et sa femme, interprétée par Hélène Florent: «C'est l'histoire d'amour d'un couple. Lui est dans une période de sa vie où il attend une réponse philosophique alors qu'elle a besoin de réponses au niveau sentimental. Ils s'adorent mais sont aux prises avec des barrières infranchissables.» Au fond, c'est un peu le syndrome de l'étudiant au doctorat qui finit par oublier l'existence de sa blonde, convient-il. Au fil de la discussion, on sent chez Hugues Frenette un profond désir de creuser l'âme humaine dans l'interprétation, et c'est là que semble résider toute son ambition. Ainsi, lorsque nous lui avons demandé ce qu'il «se souhaitait» pour les prochaines années, il a dit spontanément vouloir «refaire des Ivar Kareno», et ça n'avait pas l'air d'un coup de promotion... Ah les comédiens!
- Jusqu'au 8 mai au Théâtre du Trident, Grand Théâtre de Québec, 269, rue René-Lévesque Est, à Québec.

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